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Tom Lorrain, brasseur et propriétaire de la Brasserie Abeille Noire

Tom Lorrain, brasseur et propriétaire de la Brasserie Abeille Noire

Qui êtes-vous et quel est votre parcours?

Bonjour, je suis Tom Lorrain, 28 ans. J’ai commencé ma voie professionnelle par un master en marketing en alternance, et j’ai vite compris que la vie dans un bureau n’était pas faite pour moi. En 2014, j’ai donc abandonné mes études pour revenir dans l’entreprise familiale et devenir tatoueur. Il y a deux ans, j’ai commencé à brasser, pour ouvrir officiellement ma brasserie en décembre 2017. Mon père Philippe me donne un bon coup de main, de ses conseils, à la mise en bouteilles ou dans les idées de recettes.

Votre emploi et titre actuel?

Aujourd’hui, j’ai donc une entreprise avec deux activités, tatoueur et brasseur. Au départ la brasserie était une activité secondaire, mais elle prend de plus en plus de place (en surface et dans le temps de travail!).

Dans quelle ville?

La brasserie est basée dans un petit village à Mars la Tour en Meurthe-et-Moselle dans l’Est de la France, près de Metz et de Verdun.

Un mot pour définir quel type de travailleur vous êtes.

Je dirais travailleur optimiste et heureux! Même si cela reste un métier, j’ai la grande chance d’aimer ce que je fais. Je ne vais pas au travail à reculons. Je travaille pour moi. J’ai abandonné mes études qui m’auraient donné un travail satisfaisant où j’aurais pu peut-être mieux gagner ma vie, avec plus de sécurité. Mais aujourd’hui je sais pour quoi je travaille et c’est une grande satisfaction.

D’où vient votre intérêt pour la microbrasserie?

Je suis venu à la microbrasserie en étant fatigué de boire les mêmes bières dans tous les bars de France; Leffe, Grimbergen et j’en passe. Je me suis dit qu’il devait bien y avoir moyen de faire des choses meilleures que ça.

J’ai commencé à m’intéresser aux microbrasseries en général avec l’envie d’en faire une. Aujourd’hui, les choses commencent à bouger tout doucement avec le renouveau de toutes ces nouvelles microbrasseries. Et ça fait du bien!

Qu’est-ce qui rend votre bière unique? 

Je ne regarde pas trop ce que font les voisins, je fais la bière que j’ai moi-même envie de boire. Je travaille pas mal pour les bières de saison avec des fruits, car mon père possède un verger, et nous sommes dans une région avec une grande diversité de fruits.

Pour n’en citer que quelques-unes, nous faisons une bière blanche à la rhubarbe et une blonde aux mirabelles. Ce ne sont pas des bières sucrées comme les bières industrielles de type Kriek. Nous travaillons avec le fruit. Pas d’arômes. C’est souvent plus compliqué à travailler, mais quand c’est au point ça fonctionne très bien, et c’est bien plus naturel.

Nous avons également planté notre houblon dans le verger. L’idée et de devenir à terme autonome sur le houblon, pour raccourcir au maximum les circuits de distribution.

Dans certaines bières, comme pour notre brune, pour augmenter le taux d’alcool et assécher la bouche, à la place de mettre du sucre, nous mettons du miel de nos propres ruches. L’idée n’est pas de faire des bières au miel, puisque gustativement, cela reste très subtil, mais plutôt d’éviter de mettre des sucres raffinés.

Dans le même état d’esprit, nous utilisons un malt bio, (même si nous n’avons pas le label) et nous consignons les bouteilles. Je pense qu’il est important de travailler en limitant au maximum notre impact environnemental. Surtout quand on a une brasserie à mon échelle, c’est facile à mettre en place.

J’essaye également d’avoir une gamme de bière variée. Par exemple dans ma gamme, j’ai deux blondes, les deux sont radicalement différentes. J’essaye de faire très attention à cela. Je ne change pas simplement la variété de houblons, mais la recette dans son ensemble. J’aime éviter que les gens qui boivent deux bières à la suite pensent qu’il n’y a que l’étiquette qui change.

Quelle est la taille de votre brasserie?

La brasserie vient de souffler sa première bougie! Je suis encore en expansion. J’augmente au fur à mesure les capacités de production en investissant. Mais pour l’instant, le projet est de rester petit, à taille humaine. Ça me permet d’avoir une très grande liberté dans les recettes, et d’avoir une gamme très large. Le nombre de bières varie au long de l’année avec les bières de saisons, mais en moyenne, nous avons entre 8 et 10 bières différentes à proposer.

Quels outils sont essentiels à votre vie?

Le tatouage, mais également la bière, sont des métiers d’images. Les photos de tatouages me permettent de montrer aux gens ce que je fais, les étiquettes de bière et l’univers graphique de la brasserie doivent donner envie aux gens de l’acheter. C’est le premier rapport avec le client. Les réseaux sociaux et le site internet sont donc des éléments essentiels.

À quoi ressemble votre espace de bureau?

Un ordinateur, une boite remplie de papiers en attente de classement.

Avez-vous une façon d’organiser vos journées afin d’optimiser votre travail?

Avec les deux activités, je suis obligé d’organiser mes journées. J’ai un emploi du temps avec le tatouage, car c’est sur rendez-vous. Je me garde des journées entières pour brasser. 

Pour l’embouteillage, je le fais quand j’ai une demi-journée de dispo, quand à l’étiquetage, c’est plutôt une à deux heures par-ci par-là, entre midi, ou en fin d’après midi.

Quels «trucs» conseilleriez-vous pour améliorer la productivité?

La brasserie obéit surtout aux levures et au temps de garde au frais, ainsi qu’à la refermentation en bouteille. Ma productivité dépend donc de la gestion de ces trois critères. Globalement lorsque la brasserie tourne à plein régime, je gagne en productivité, car je peux faire plusieurs choses dans la même journée (embouteillage d’une cuve, mise au frais d’une seconde). Ce qui me permet de gagner du temps en désinfection et en temps de nettoyage.

Vous êtes meilleur que vos collègues de travail pour…

Je n’ai pas de collègue, ce qui me convient plutôt bien.

Comment contrôlez-vous la croissance de votre microbrasserie?

Pour l’instant, la croissance répond surtout à la vente… J’essaye d’anticiper au maximum. Ça m’est arrivé d’être en rupture sur certains produits, et d’être un peu limite sur le stock général. D’où un gros investissement, notamment sur une grande chambre froide l’année dernière. Je commence donc la deuxième année plus sereinement.

Quelles votre stratégie pour faire connaitre votre bière?

La première année était principalement une stratégie marketing au sens large: visibilité du magasin avec création des enseignes, mise en place du site internet et des réseaux sociaux, travail autour du design et quelques manifestations très locales pour informer les gens que nous existons.

Cette année, j’essaye de faire un peu plus de manifestations, fêtes de la bière, manifestations locales, marchés, etc. L’idée est de se faire connaître un peu plus loin, un peu plus des professionnels.

À propos du design, qu’est-ce que votre marque représente?

Le nom de la brasserie et le design représente une race d’abeille locale: l’abeille noire. Je voulais un nom avec un design percutant, facile à retenir. Je suis apiculteur à mes heures perdues, et l’abeille noire est une abeille de caractère, qui n’est pas forcément facile à travailler, car elle a la piqure facile! 

Je trouvais que faire le parallèle entre les caractéristiques de cette abeille et la conception de mes bières était une bonne chose. D’un point de vue graphique, cela ouvre un champ assez large, entre des étiquettes avec le logo qui représente le houblon et l’abeille, et des étiquettes avec des photos d’abeilles.

Comment et par qui le design a-t-il été conçu? 

Le design a été conçu par moi (les études de marketing n’ont pas été forcément inutiles), et longuement discuté et retravaillé en famille. Il est important pour moi d’avoir un retour et un échange avec ma famille qui a de bonnes idées et sait être objectif.

Qu’est-ce qui vous inspire et vous motive à aller au travail chaque jour?

Le plaisir de faire ce que je fais. La bière est un élément festif et convivial. C’est toujours plaisant de voir ses bouteilles partagées autour d’un apéro ou d’une soirée. Ça motive à continuer à faire de bonnes bières!

Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné?

Le meilleur conseil a été au moment de la prise de décision de faire de la bière. Si je m’étais écouté, j’aurais acheté des petites cuves pour commencer. On m’a conseillé d’investir directement dans quelque chose de sérieux. Et avec le recul je ne regrette pas! Le fait d’investir un peu plus d’argent motive également. On se sent beaucoup plus investi. Et aujourd’hui je peux travailler avec ces mêmes cuves. Si j’avais eu des plus petites, elles seraient surement au fond de mon grenier! Ou peut-être que je n’aurais jamais osé passer le cap pour les commercialiser.

Quel est votre meilleur truc pour sauver du temps?

J’essaye d’organiser mes journées entre mes activités: tatouage ou bière. Brasser ou travail de bureau, etc. De ne pas partir dans tous les sens dans la journée.

Quels ont été vos plus grands défis en tant qu’entrepreneur?

La première année est une année compliquée en trésorerie. Plus on s’agrandit, plus il y a d’argent «dehors». Il faut donc se faire confiance, savoir compter et savoir comment investir. Le tout est de définir sa stratégie au départ: est-ce que je veux rester une petite microbrasserie, ou est-ce que dans un futur plus ou moins proche je veux acheter des cuves de 1000 L. En fonction de cela, les choix ne seront pas les mêmes.

Quels seraient les conseils que vous donneriez à quelqu’un qui souhaite démarrer une brasserie?

Aujourd’hui, il y a beaucoup de microbrasseries qui s’ouvrent tous les ans. Il est donc primordial de se démarquer de ses confrères. Le nom et l’étiquette sont également très importants. Lorsque votre bouteille est sur une étagère au milieu d’une centaine d’autres références, il faut qu’elle se démarque. Pour le reste, il faut faire de la bonne bière!

Avez-vous des nouveautés à venir?

Nous venons de sortir une triple et une blonde au seigle qui viennent compléter la gamme. Également une bière de mars² (brassée à Mars la Tour pour le mois de mars). Il s’agit d’une brune aux oranges amères, avec gentiane et réglisse.

À la fin d’une journée, quelle sorte de bière buvez-vous pour vous détendre?

Cela dépend des saisons, en hiver, plutôt des bières un peu plus fortes comme une triple, ou une ambrée. En été, une IPA ou une blanche.

Brasserie Abeille Noire

site web | facebook

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