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Dans l’atelier de Mathieu Laca: L’expression de soi à travers le portrait d’autrui

Dans l’atelier de Mathieu Laca: L’expression de soi à travers le portrait d’autrui

Mathieu Laca est un artiste-peintre lavallois connu aujourd’hui internationalement pour ses portraits surréalistes de personnalités publiques. Rencontre.

Le talent de Mathieu Laca a été découvert à l’âge de 17 ans par ses professeurs d’arts et de français qui ont reconnu en lui une force singulière tant dans l’expression visuelle qu’écrite. Dès lors, on lui propose de faire une exposition pour La Maison des Arts de Laval, premier tremplin professionnel pour le jeune peintre. Se considérant comme «renfermé» à l’époque, il conçoit la création visuelle comme son espace privilégié d’expression et en fait sa vocation.

De l’inspiration à l’œuvre personnelle

Les portraits prennent une place incontestable dans les œuvres de l’artiste. Selon Mathieu Laca, les émotions, les idées, se transmettent bien souvent par l’expression du visage: «Quand je peins des artistes ou des philosophes, j’ai l’impression d’avoir un peu accès à leur œuvre. J’aime y faire référence, créer des clins d’œil», dit-il.

Il peint des personnalités connues; des artistes, des penseurs, des scientifiques, celles et ceux qu’il apprécie. Margaret Atwood, Michel Tremblay, Charles Bukowski, Riopelle, Frida Kahlo, Gustave Flaubert, Virginia Woolf, René Lévesque et Jane Goodall pour en nommer seulement quelques-uns. «Ils sont pour moi en quelque sorte des totems, des modèles, des symboles, des individus dont le travail créateur est admiré, souligne l’artiste. Lorsque tu peins une personnalité avec laquelle tu as un lien émotif ou d’admiration, tu te rends rapidement compte que tu n’es pas seul et que d’autres éprouvent aussi ce rapport-là.»

Décrivant ses portraits comme «non conventionnels», le peintre soutient que la ressemblance n’est pas son objectif premier lorsqu’il s’inspire des photographies. «J’essaie d’abord de traduire la perception que j’ai de l’esprit de l’individu. Il faut dire que le portrait est bien souvent de l’autoportrait. Mes toiles ne sont que des variations de moi-même. C’est ce que je peins depuis que j’ai 17 ans», dit-il en riant.

Mathieu Laca joue avec les textures, les empâtements, les éclaboussures, pour transformer l’œuvre réaliste et y offrir une dimension surréelle. L’artiste remarque que l’on a souvent tendance à percevoir le visage comme synonyme d’identité, de sens, grâce à toutes ses particularités et son expression. C’est en les manipulant qu’il parvient à y accorder des significations nouvelles, qui lui sont propres: «Ce que j’aime faire, c’est peindre finalement des paysages entre l’œil, le nez et la pommette», précise-t-il.

L’importance de la planification

À la suite de ses études en arts visuels à l’Université Concordia en 2005, le portraitiste gagnait suffisamment d’argent pour payer son matériel. Puis, il se retrouve rapidement à vivre de ses toiles.

Lors des dernières années, il a exposé à la galerie d’art Alpha d’Ottawa en 2016, Le Livart à Montréal en 2017 et la galerie Thompson Landry à Toronto en 2018. Ses œuvres sont exposées entre autres aux États-Unis, en Allemagne, en Norvège, en France et aux Philippines. «Depuis quelques années, je vends 95% de ce que je peins. J’en produis une cinquantaine par année. Malgré tout, après 19 ans de création, j’ai des toiles un peu partout dans la maison!»

Pour créer, il n’a qu’à se déplacer vers son garage, lieu qu’il aménagé en atelier. Travailleur autonome, il décrit son horaire ressemblant au 9 à 5 traditionnel bien qu’il lui arrive de travailler la fin de semaine. Accompagné de son mari qui joue de la mandoline et de son chien, l’artiste affirme ne pas avoir besoin de solitude pour aller puiser l’impulsion créatrice nécessaire.

Néanmoins, il avoue être réticent de peindre en public. «Je ne pourrais pas faire des performances. Quand tu passes cinq minutes à effacer un coup de pinceau, ça n’a rien de spectaculaire, déclare-t-il en toute franchise. Avec un auditoire, il y a de la pression de faire quelque chose d’extraordinaire, mais ce n’est pas nécessairement ce que la toile a besoin.»

Il ajoute toutefois que son travail ne se limite pas à celui de la création, car il existe de nombreuses tâches connexes à celle de peindre. «Je dois aussi trouver du temps pour acheter mon matériel, me procurer l’encadrement adéquat pour mes toiles, photographier mes œuvres ainsi que planifier la livraison de celles-ci», précise le peintre.

Depuis quelques temps, en raison de la forte demande, le peintre a fait le choix d’engager des employés, qu’il considère comme des experts en marketing, afin de s’occuper de la promotion en ligne, de son site web et de son blogue. L’espace virtuel est un lieu non négligeable pour la vente de ses œuvres. Par exemple, la toile 7 Reece Mew a été vendue à un inconnu qui l’avait découverte grâce à Instagram.

Il est d’ailleurs particulièrement touché par les acheteurs qui vivent des coups de cœur. «Un couple a tellement été marqué par mes œuvres exposées dans une galerie qu’il m’a contacté parce qu’il souhaitait absolument me rencontrer, raconte-t-il, réjoui par tant d’enthousiasme. Dans mon atelier, il y avait un portrait de Van Gogh qui n’était pas fini, mais quand ces deux individus l’ont vu, ils ont décidé de l’acheter! Ils m’ont exprimé tout l’intérêt qu’il portait pour cet artiste et son histoire personnelle.»

Un peintre comblé

Mathieu Laca se prépare actuellement pour une exposition qui aura lieu du 7 au 24 novembre 2019 à la galerie Thompson Landry à Toronto dans laquelle 20 à 30 «portraits doubles», des portraits de couple, seront présentés au public.

Même si la création d’une nouvelle collection de toiles le tient fort occupé et que les commandes de clients fusent de tous les côtés, l’artiste confie avoir également d’autres projets en tête. Il souhaiterait, entre autres, proposer à une compagnie d’opéra de peindre le portrait de chaque compositeur des opéras de leur saison afin d’utiliser ses œuvres comme affiches.

Devant tant de succès, le portraitiste admet qu’en ce moment il ne pourrait rêver mieux. «Honnêtement, je n’aurais pu penser parvenir à cette carrière-là de mon vivant. Si on m’avait dit ça à 17 ans, je ne l’aurais pas cru», mentionne-t-il, surpris de la tournure des événements.

«Quand tu commences à créer, à peindre, tu fais une activité que la société ne juge pas vraiment utile. Au début, tu as zéro récompense ou très peu. Le seul plaisir qui te porte, qui te pousse à le faire pendant un an, deux ans, trois ans… dix ans, c’est le plaisir que tu as à le faire. Après toutes ces années, quand je me dis que je peux en vivre, j’ai juste le goût de danser tout le temps!».

Mathieu Laca

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