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Station Service: louer sa garde-robe et donner une chance à la mode locale

Station Service: louer sa garde-robe et donner une chance à la mode locale

Cesser d’acheter des vêtements que l’on ne portera presque jamais, c’est l’objectif de Raphaëlle Bonin, fondatrice du premier service de location éthique de vêtements pour femmes au Québec: Station Service. Une initiative en faveur de l’environnement, des designers locaux, mais aussi des contacts humains directs qui ont tendance à parfois s’éclipser de nos vies de consommateurs effrénés.

C’est après avoir visionné le documentaire The True Cost et avoir eu un déclic concernant sa propre consommation de fast-fashion, que Raphaëlle Bonin voit germer dans son esprit l’idée d’un concept liant mode et éthique. «J’ai pris conscience qu’il y a un problème considérable au niveau de la mode qui est la deuxième industrie la plus polluante au monde. J’ai donc cherché des solutions en songeant immédiatement à l’achat local», se remémore-t-elle.

Celle qui se tourne au départ vers les friperies déchante rapidement et s’estime en fait «tannée de posséder autant de choses» et lasse de s’acheter du linge pour ensuite le laisser prendre la poussière. «J’ai découvert que la location de vêtements se fait beaucoup en Europe et j’ai alors pensé “c’est ça que je veux faire ici: une garde-robe où tu n’es pas pris avec!”, dit-elle. Il y a l’attrait constant de la nouveauté et on ne s’encombre plus avec des pièces qu’on ne porte pas.»

Un projet «slow-made»

Son étude de marché aura duré deux ans, plusieurs mois pendant lesquels elle sonde une soixantaine de femmes, valide l’idée auprès de plusieurs créateurs québécois et ajuste le concept jusqu’à obtenir un modèle d’affaires qu’elle estime viable.

Si l’entrepreneure ne venait absolument pas du milieu de la mode à l’origine, elle se félicite d’avoir pris tout son temps afin de faire évoluer son projet. «Il y avait beaucoup de travail à faire: rechercher du financement, bâtir les relations, penser le système de location, etc. Mais je crois qu’on a réussi à se constituer une communauté qui nous suit de près maintenant, pense-t-elle. Ça a permis qu’au premier jour, 150 personnes étaient là pour fêter la naissance de l’entreprise!»

Née officiellement en octobre 2017, Station Service repose sur un concept simple, pratique et pensé pour convenir à différents modes de vie: les vêtements peuvent être loués en ligne et livrés, pour celles qui disposent de moins de temps, ou alors ils peuvent être essayés en boutique sur rendez-vous. La cliente conserve les pièces louées sept jours ou un mois selon la formule choisie, et le nettoyage est toujours assuré par Raphaëlle et sa petite équipe. Une assurance est même incluse dans le prix afin que les clientes n’aient pas peur de porter leur location.

Louer et oser

Station Service fait une différence mesurable sur le marché de la location de vêtements. Par le fait que toutes les pièces sont créées par des designers locaux, mais aussi parce qu’il n’est pas question ici des traditionnelles robes de gala à louer. Bien que certaines femmes s’essayent à la location chez Station Service pour des événements ponctuels, les pièces sont pour la plupart choisies pour être portées au jour le jour.

Le style des vêtements de l’entreprise se définit comme étant «moderne, audacieux et élégant». Raphaëlle Bonin nous confie également choisir des tissus et des formes versatiles afin que plusieurs pièces puissent convenir à différentes morphologies.

«Pour sélectionner les créations, j’y vais au coup de cœur, et il faut évidemment que les vêtements soient faits au Québec. Je recherche aussi des coupes intéressantes, des couleurs et des matières qui se démarquent de ce qu’on trouve à H&M, développe la fondatrice. Il faut également qu’il y ait une unicité dans ma collection, que des pièces se répondent pour conserver une direction sensée. Mon objectif c’est que les clientes se disent “Ça, ça pourrait être ma garde-robe idéale!”»

Bien que l’achat demeure la norme, l’entreprise ne cesse de voir son chiffre d’affaires augmenter et souhaite que la location de vêtements s’inscrive un jour dans les habitudes de chacun. «Le but ultime, c’est que la cliente ait ses basiques à la maison et que toutes les pièces un peu plus funky, elle les loue avec nous», imagine-t-elle.

Surtout que… qui dit design local, dit prix dispendieux. «Bien que les prix aient du sens au niveau de la création et la production, ils sont très élevés, voire inaccessibles. La location permet de tester, de porter des pièces, de faire preuve d’audace, sans jamais être freiné par le coût.»

La conscientisation, un vêtement à la fois

C’est ici que la sensibilisation commence puisque sans l’opportunité de porter des vêtements de mode locale, pas de possibilité d’entrevoir la différence de qualité, mais aussi de service. «Si on tombe en amour en louant, là on va commencer à acheter. De cette manière, on encourage en même temps l’achat intelligent et réfléchi.»

Et l’équipe de Station Service nous confirme que ça prend énormément de sensibilisation pour cesser de s’acheter quinze pièces de fast-fashion mais s’offrir à la place deux pièces de créateurs pour le même prix. «Il faut que les gens se rendent compte que lorsqu’on achète local, on encourage directement un entrepreneur d’ici, tient à rappeler la fondatrice. Oui, ça engendre encore un rapport matérialiste, certes, mais avec une valeur certaine.»

Raphaëlle Bonin reste toutefois lucide et ne condamne ni ne moralise les consommatrices des grandes enseignes. Elle préfère que les esprits se conscientisent tranquillement, mais sûrement, et espère que les achats de fast-fashion – tout de même inéluctables ou presque – deviendront plus avisés et donc moins habituels.

Revenir à un rapport commerçant plus humain

L’instigatrice du concept et sa chargée de projet Caroline Sobral Cabana nous expliquent que ce qu’elles aiment beaucoup dans leur travail quotidien, c’est cette possibilité de prendre le temps, de conseiller et d’échanger avec une cliente à la fois, rendant leur service encore plus spécialisé qu’en boutique traditionnelle.

«La cliente prend rendez-vous donc on l’attend, on pense d’avance à ce qu’on va lui proposer. C’est presque un service de stylisme, car on pose les bonnes questions en direct pour offrir des conseils adaptés aux besoins!», précise Caroline Sobral Cabana, qui souligne au passage que les consommateurs souhaitent de plus en plus retourner à des échanges «one to one».

«Et finalement les clientes deviennent des amies, c’est très humain, ajoute la fondatrice. Cette récurrence nous permet de nous adapter naturellement, de connaitre avec précision les réclamations et les envies, de grandir ensemble et surtout, de créer des relations à long terme!»

En plus de vouloir contribuer à l’économie locale et à la préservation de l’environnement, Raphaëlle Bonin nous rappelle que c’est ça aussi la mode éthique, prendre le temps en toute conscience de bien faire les choses avec humanité.

Station Service

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Station Service loue et vend également des accessoires fabriqués localement.

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