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Thierry Pilat, directeur du Fil à Saint-Étienne

Thierry Pilat, directeur du Fil à Saint-Étienne

Qui êtes-vous et quel est votre parcours?

J’ai 53 ans et je suis directeur du Fil à Saint-Étienne (France) depuis 1 an. C’est une SMAC, c’est-à-dire une Scène de Musiques Actuelles labellisée par l’État, avec une salle de 1200 places, un club de 300 ainsi que 3 studios de résidence pour artistes, dont un équipé en studio d’enregistrement.

J’ai d’abord été musicien amateur ou «semi-pro» dans les années 90, ce qui m’a amené au management de groupes, puis à l’organisation de concerts et de tournées. J’ai donc assumé la plupart des jobs, de la régie à la production, avant de me consacrer à la programmation de lieux. J’ai vécu 2 ouvertures de salles: le Ninkasi Kao à Lyon en 2000 (salle de 600 places) et Le Fil en 2007.

J’ai donc une grosse expérience de programmation de saisons et de promoteur local. Par définition, je suis un peu un «anti-festival». Je défends les concerts en salle tout au long de l’année, les petites jauges, le public à fidéliser, la proximité.

Votre emploi actuel: 

Je suis devenu directeur après 20 ans de programmation. J’avais envie de passer à une autre dimension dans le pilotage de projet culturel. Voir les choses de plus haut (et plus loin sans doute) et penser un projet culturel dans sa globalité, pas seulement sur l’aspect musical. 

Nous sommes une équipe de 17 salariés + les techniciens + les bénévoles + les membres de l’association LIMACE (qui dirige le lieu). Ma principale mission est désormais d’emmener tout le monde dans la même direction. Il faut pour cela nous mettre d’accord sur les perspectives et les moyens que l’on se donne pour les atteindre. Le management prend donc une grande partie de mon planning. Les finances et les relations politiques constituent le reste de mon temps. Mais je travaille aussi à la mise en place stratégique, à coordonner la production, la communication, le marketing… à ouvrir de nouveaux projets et de nouveaux partenariats.

Parlez-nous davantage du Fil et des services offerts: 

Le Fil a été ouvert il y a 10 ans dans un esprit d’ouverture sur la ville. Un lieu pour et par les habitants, convivial et accessible. Sa programmation est généraliste et doit toucher tous les styles, selon la convention que nous avons avec la Ville, propriétaire du lieu. Nous oscillons entre 45 et 50 000 spectateurs par an pour une centaine de spectacles entre septembre et juillet.

En tant que SMAC, nous assurons aussi un volet d’action de médiation. Nous travaillons avec les scolaires et créons chaque année des concerts avec les élèves. Nous assurons des ateliers en milieu hospitalier et carcéral. Nous travaillons aussi avec les maisons de quartier et les foyers de jeunes travailleurs. C’est une partie importante de notre activité, qui n’est pas assez visible mais qui donne sens à notre projet. Il est toujours motivant de voir les enfants venir expérimenter des musiques électroniques ou autres et avoir un 1er contact avec la scène. Nous préparons ainsi un futur meilleur pour notre société, ouvert sur la création. C’est important, même si cela reste un travail de fourmi.

Notre 3e activité est l’accompagnement d’artistes. Repérer, rencontrer, diagnostiquer, élaborer des parcours pour les artistes, pour les faire connaitre, pour les faire travailler dans de bonnes conditions… À ce jour, nous n’arrivons pas à emmener les groupes que nous soutenons au-delà des frontières régionales. Nous n’y arriverons pas seuls. La dynamique de réseau est très importante. Nous travaillons donc de plus en plus en lien avec d’autres lieux et comptons bien étendre notre toile. Nous sommes en lien avec Manchester et Berlin, notamment.

Quels sont les enjeux pour un directeur comme vous?

L’évolution des comportements d’achats culturels et notamment de la musique, qui plus est en live avec le développement des festivals (grosse concurrence), nous conduit à réfléchir différemment sur l’utilité d’un lieu de musiques actuelles sur son territoire. Notre métier est diversifié. Nous travaillons pour des artistes, pour du public et réalisons des actions culturelles de service public qui coûtent de l’argent.

Les subventions étant en déclin, nous devons trouver d’autres façons de faire vivre notre projet culturel. Et notre projet doit quoi qu’il en soit évoluer s’il veut rester pertinent.

Le projet du Fil, au delà de la diffusion, de l’accompagnement et de la médiation, est d’être résolument moderne et adapté à son époque. L’enjeu pour nous est de maintenir les valeurs d’ouverture que nous défendons depuis 10 ans en ouvrant de nouveaux horizons.

Nous allons donc développer l’activité du bar avec davantage de soirées gratuites englobant des animations, des expositions, des moments de rencontre. Nous voulons améliorer le confort des spectateurs. Un service de petite restauration est prévu avec des produits de qualité. Il s’agit là d’affirmer notre «lieu de vie».

D’autre part, nous sommes avant tout un lieu artistique. Ici peuvent se rencontrer des artistes différents, complémentaires, dans les studios ou en résidence sur scène. L’un des enjeux primordiaux est de pouvoir investir sur la création de nouveaux spectacles. Nous sommes donc une sorte de «maison des artistes». En tout cas, un «lieu de création». Au delà de la musique, nous voulons croiser les disciplines (images, arts graphiques, street-art, vidéo, peinture…).

Enfin, l’innovation, notamment technologique, fait partie de l’évolution de la musique. Nous travaillons donc au développement des outils numériques, au service de la création pour imaginer d’autres façons de présenter des spectacles et de communiquer. Nous allons développer les captations de concerts live sur le net et avons été récemment labellisés «French-Tech» par notre métropole.

Voici donc les enjeux que je dois mettre en place en tant que directeur. Vaste programme.

3 conseils pour ceux qui veulent se lancer dans une carrière musicale?

1. Avoir des idées, des perspectives, de grosses envies, être passionné mais toujours réfléchir.

2. Avoir des couilles, prendre des risques mais savoir compter et les évaluer.

3. Avoir de la chance, mais en général, elle vient quand on est sur le terrain. Donc aller sur le terrain.

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