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Michelle Corbeil du Festival international de la littérature: se renouveler, toujours se renouveler

Michelle Corbeil du Festival international de la littérature: se renouveler, toujours se renouveler

Derrière la couverture – Point sur l’industrie du livre au Québec

On les voit passer ponctuellement. Des pourcentages menaçants, des coups de gueule percutants, des appels alarmants à se pencher au plus vite sur les problèmes de l’industrie du livre au Québec. Ce n’est pas une lubie, loin de là : depuis 2012, les ventes annuelles de livres neufs ont connu une baisse de 11%, soit de 74,1 millions de dollars. Mais quand on va plus loin que les chiffres, qu’en est-il vraiment? Les grands – et petits – joueurs tirent quelles impressions du milieu littéraire, dans lequel ils évoluent tous les jours? Tour d’horizon avec divers auteurs, éditeurs, distributeurs, conseillers littéraires, libraires (et alouette).

De correctrice à réviseure, en passant par les métiers de libraire et attachée de presse, la directrice générale et artistique du Festival international de la littérature (FIL) – qui en sera à sa vingt-troisième édition en septembre – avoue avoir su très tôt qu’elle voulait travailler dans le milieu du livre: «Ce que je sais depuis toujours, c’est que j’aime lire. Je ne viens pas d’une famille intellectuelle, alors j’ai fait mes découvertes à la bibliothèque.»

La médiation culturelle en tête

Une réalité qui lui donne un point de vue très ouvert: «Pour moi, la littérature n’est pas réservée à une élite. J’ai déjà fait lire du Nathalie Sarraute à ma mère: elle a aimé ça! À travers tous mes métiers, ma mission a toujours été la même: convaincre les gens d’ouvrir un livre. La littérature, ce n’est pas dangereux!» On le devine déjà: il en va de même pour le FIL. Michelle Corbeil avance même que l’événement a des visées de médiation culturelle. «Les gens de tous horizons sont les bienvenus! Pour moi, ce qui est important, c’est d’avoir une exigence par rapport aux textes présentés. On n’accepte pas n’importe quoi. Souvent, les gens vont avoir envie d’acheter les livres après une lecture. C’est ce qu’on recherche.»

Et tout ça, ça ne se fait pas en criant ciseau. Pourtant, la directrice a l’impression que monsieur-madame-tout-le-monde ne comprend pas nécessairement l’investissement financier nécessaire pour monter un spectacle. «J’ai beaucoup de difficultés avec les événements gratuits. Quand je fais un spectacle, je tiens à payer les artistes, les droits d’auteur… La culture, on dirait toujours que ça passe en dernier. Si j’ai un problème de plomberie qui me coûte 500 dollars, je ne pense pas que je peux m’en sortir en proposant un croissant, un café et une promo de sa compagnie au plombier.»

Selon elle, la sensibilisation à ces réalités devrait se produire très tôt à l’école: «Je lisais la politique culturelle de Macron, et il propose des idées que je trouve super pertinentes pour permettre aux jeunes de découvrir des offres culturelles. L’état investit pour cultiver les enfants. C’est brillant.» Une belle manière de permettre à la jeunesse de se familiariser avec la littérature, et de mieux comprendre le milieu du livre.

De crise en crise

Comment perçoit-elle le milieu du livre avec toutes ces années d’expérience en poche? «Vous savez, je le connais par cœur. Il y a toujours eu des chicanes de manière horizontale et verticale. L’éditeur va dire que le distributeur fait de l’argent sur l’autre, que c’est de sa faute. Ça se passe comme ça entre auteurs, éditeurs, diffuseurs… Dans le milieu du théâtre par exemple, c’est différent. C’est un travail d’équipe. Quand un livre ne fonctionne pas, tout le monde peut rejeter la faute sur l’autre.»

Et selon elle, ça ne change pas nécessairement d’année en année. «Ça a toujours été les mêmes tensions. Toujours quelqu’un pour dire que ça ne fonctionne pas… Je me demande sincèrement: est-ce que ça a déjà bien été?» Lueur d’espoir toutefois: Michelle Corbeil remarque un renouveau de solidarité entre jeunes libraires indépendants: «Ils sont vraiment chouettes. Ça me rend très heureuse.»

Pense-t-elle que la relève devrait avoir plus d’espace? «Je ne crois pas qu’il faut laisser la place à l’émergence. Je pense plutôt que c’est une question de transmission. Quand j’étais étudiante, j’ai travaillé avec Gaston Miron et Roland Giguère… J’ai énormément appris.» Autant les plus jeunes peuvent apprendre des plus vieux, autant le contraire est possible selon Corbeil. «C’est clair que certains sont plus à l’aise avec la technologie… Ça a ses avantages!»

Mine de rien, ça pousse Michelle Corbeil à constamment se remettre en question.«Je pense toujours à me renouveler, sans oublier ce qui a été fait avant. On peut aimer notre sofa, mais ça ne nous empêche pas de le déplacer dans la pièce!»

Derrière la couverture – Point sur l’industrie du livre au Québec, un dossier à suivre à chaque semaine.

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