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Erika Soucy de l’OFF-FPTR: «C’est une loterie!»

Erika Soucy de l’OFF-FPTR: «C’est une loterie!»

Derrière la couverture – Point sur l’industrie du livre au Québec

On les voit passer ponctuellement. Des pourcentages menaçants, des coups de gueule percutants, des appels alarmants à se pencher au plus vite sur les problèmes de l’industrie du livre au Québec. Ce n’est pas une lubie, loin de là : depuis 2012, les ventes annuelles de livres neufs ont connu une baisse de 11%, soit de 74,1 millions de dollars. Mais quand on va plus loin que les chiffres, qu’en est-il vraiment? Les grands – et petits – joueurs tirent quelles impressions du milieu littéraire, dans lequel ils évoluent tous les jours? Tour d’horizon avec divers auteurs, éditeurs, distributeurs, conseillers littéraires, libraires (et alouette).

Onze ans plus tard, celle qui a depuis signé le roman Les murailles et les recueils de poésie Cochonner le plancher quand la terre est rouge et L’épiphanie dans le front est toujours aussi convaincue de la pertinence du festival. «On a eu envie de proposer un événement avec une ambiance chouette, plus party, que je ne retrouvais plus au FPTR. À ce festival, il faut être publié même pour lire à 2 heures du matin…»

Une situation dérangeante selon la codirectrice artistique du OFF-FPTR: «Notre but, c’est de revaloriser la parole nouvelle, que l’auteur soit publié ou non. Si ça vibre, si on sent que c’est un texte qui peut bien se rendre dans un festival de l’oralité, bienvenue au OFF.» Si le festival était tout d’abord ouvert à tout le monde, il a toutefois dû resserrer ses critères de sélection après 4 ou 5 ans. «L’important, c’est aussi comment le texte passe sur scène. Notre but, c’est de proposer un bon show, et de garder le public à l’écoute. On a même développé une animation qui permet de relancer l’énergie dans la salle.» Et pour éviter que le dernier poète déclame sur fond de jasettes…

Lutter contre l’encroûtement

L’OFF-FPTR est-il né pour agiter un peu la cage du FPTR? Oui… et non. «On ne renie rien! On s’appuie plutôt sur ce qui a été fait pour aller plus loin. Mais tu ne me feras pas croire qu’un festival ne s’encroûte pas après 30 ans, avec les mêmes formules. C’est très prétentieux à dire, mais je pense qu’on a fait bouger les choses au FPTR. Ceux qui gagnent des prix sont passés par le OFF.» Avec les années, l’événement peut se targuer d’être un défricheur solide des talents de demain. «C’est ce qu’on essaie de faire. On est très décomplexés, on a pas beaucoup de vernis. On a un côté un peu punk!», avoue Soucy en riant. «On va chercher un autre public que le FPTR, et on comble chacun un besoin.»

Mine de rien, l’OFF en sera à sa 11e édition cet automne. Et ses organisateurs luttent vaillamment pour ne pas tomber dans le piège des formules toutes faites. «Quand on sentira qu’on ne réussit plus à créer une tension intéressante dans les lectures, on va s’en aller et laisser la place à quelqu’un d’autre. C’est un festival limité dans le temps. Cette année, on pense beaucoup à se renouveler.»

La poésie, parent pauvre de la littérature?

Si certains ont l’impression que la poésie n’est pas très populaire, Erika Soucy pense tout à fait le contraire. «Je pense qu’on est bien à la mode en ce moment. Je sens un grand intérêt: la poésie est plus valorisée qu’elle ne l’était.» Émue, Soucy pense que son plus beau salaire a été de voir l’éclosion d’une nouvelle génération de poètes au OFF-FPTR. «Il y en a des talents!»

La popularité de la poésie engendre toutefois quelques problèmes selon la codirectrice artistique. «Tout le monde dit que tout est poétique. Je comprends cette idée… Mais relier certaines choses à la poésie quand ce ne l’est pas du tout, c’est problématique. Un professeur, par exemple, qui va enseigner la poésie à ses élèves à partir d’une chanson oublie encore la poésie. C’est possible de trouver un recueil qui va allumer les ados!» Si l’intérêt est de plus présent pour ce genre littéraire, il y a encore beaucoup d’éducation à faire, et ce, à tous les niveaux!

Tirer son épingle du jeu

D’après elle, est-ce que l’industrie du livre se porte bien? «On entend que non, on entend que oui. Je suis mal placée pour répondre à ça, parce que mes affaires vont bien. C’est clair que ça peut être frustrant pour quelqu’un de sortir un livre et que le buzz disparaît après seulement 3 mois. Quand on pense que Gaston Miron faisait encore des entrevues huit ans après la sortie de L’homme rapaillé… Aujourd’hui, même un poète exceptionnel n’aura pas cette chance. Il y a beaucoup plus d’offres, c’est devenu vraiment difficile de tirer son épingle du jeu.»

Surtout quand on sait que le talent est un des multiples facteurs de réussite ou d’échec commercial d’une oeuvre. «Il y a tellement de circonstances… Qui va sortir un livre en même temps que toi? Est-ce que ta maison d’édition est respectée? Est-ce qu’une vedette va décider que ton livre est excellent? C’est une loterie!» D’où l’importance, selon Soucy, de se concentrer sur son oeuvre plutôt que sur la réception de l’industrie. «Le lectorat va s’en rendre compte. C’est ingrat, j’en conviens…»

Derrière la couverture – Point sur l’industrie du livre au Québec, un dossier à suivre chaque semaine. Lire les autres chroniques.

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