Close
Street Art à Montréal : Quand les femmes s’attaquent aux murs

Street Art à Montréal : Quand les femmes s’attaquent aux murs

Il suffit d’interroger les gens pour leur demander de nommer les artistes féminines présentes sur la scène de Montréal pour mieux comprendre la situation. Peu de gens et ce, même dans le milieu, seront à même d’en identifier quelques-unes.

Pourtant, les rues de Montréal foisonnent d’œuvres de femmes. Que l’on pense à Alyss, IamBatman, Kat Streetart, Maliciouz, MC Baldassari, MissMe, Miss Teri, Mono Sourcil, Shalak Attack, Sloast, Stela Starchild, Stay Beautiful, Swarm, Wüna Nawü, Zola et sans oublier Klor, de 123Klan, et Zema qui furent des pionnières. Et ce n’est que parler des noms les plus communs, car elles sont nombreuses à investir les rues et ruelles de notre ville.

Est-ce difficile de faire sa place en tant que femme dans l’art de la rue?

« On parle souvent de street art féminin mais personnellement, je me définis simplement en tant qu’artiste. Je crois que l’art n’a pas de genre et ce, même si parfois, je me fais embaucher justement parce que je suis une femme. C’est paradoxal, je l’avoue, mais c’est ma réalité.» – MC Baldassari.

Selon la majorité des artistes féminines montréalaises interrogées, la scène, bien que traditionnellement masculine, est ouverte à celles qui désirent y prendre leur place.

« Il ne faut simplement pas espérer recevoir de traitement de faveur et suivre les mêmes règles que les autres. Par exemple, les gars ne s’attendent pas à ce que quelqu’un porte leur sac de cans. Moi non plus. » – Mono Sourcil

Tout comme leurs collègues masculins, elles doivent donc vouloir y mettre le temps, l’énergie et les efforts nécessaires. Le travail sur un mur est beaucoup plus physique que sur un canevas en atelier. Les conditions dans lesquelles s’exécutent le travail sont bien différentes, car peindre un mur, c’est être à la merci de dame nature. La pluie, le vent et le soleil brûlant sont des impondérables du métier. Et travailler sur un échafaud ou sur de hautes échelles n’est pas fait pour les cœurs sensibles.

Une fois qu’elles décident de se lancer, elles ont le choix de s’afficher en tant que femme ou pas.

Ainsi, plusieurs vont choisir un nom d’artiste qui va laisser planer le doute sur leur genre, afin de laisser plutôt la place à leur art. Ex. Klor, Mono Sourcil, IamBatman, Shalak Attack, Sloast, Swarm.

D’autres vont au contraire se servir de leur genre afin de passer sur les murs un message plutôt féministe. Ex. MissMe, Stela Starchild, Stay beautiful.

Mais sans savoir si l’on a affaire à un homme ou une femme, on peut souvent deviner à qui on a affaire grâce à certains indices révélateurs. On peut voir la féminité se dégageant de leur travail par les formes (cœur, yeux mangas, etc.), les couleurs utilisées (rose, pastel) et les matériaux (dentelle, crochet) utilisés. Aussi, les femmes utilisent beaucoup plus souvent l’affiche (paste en anglais). Le travail se faisant en intérieur, ce qui réduit l’intervention extérieure.

Certaines vont utiliser leur art à des fins de sensibilisation ou de revendications sociales, que l’on pense à Kat, à Swarm et à Zola.

Et finalement, d’autres sont là, pour le plaisir, sans intention derrière.

IamBatman, Klor, Maliciouz, Shalak Attack, Sloast, Zema.

Alors s’il n’y a rien qui freine vraiment les femmes, comment explique-t-on pourquoi elles ne jouent pas un rôle plus important sur cette scène ?

Deux hypothèses principales semblent émerger des discussions avec les artistes féminines.

1. Le facteur danger

De nombreuses filles semblent effrayées par les fausses idées que, surtout pour le graffiti ou l’art illégal, c’est un milieu de gangs. Aussi, faire de l’art vandale implique souvent qu’on doive sortir dans les rues en plein milieu de la nuit. Ce qui amène les femmes à croire que cette culture dans son ensemble est dangereuse. Celles qui décident de braver les préjugés s’entourent souvent d’artistes masculins qui les acceptent, les considèrent comme leur égale ou elles se regroupent en gang de filles pour sortir faire leurs «méfaits».

2. Un phénomène de société.

Une seconde hypothèse serait que l’inégalité de la présence féminine est tout simplement le reflet d’une problématique de société encore majoritairement gérée par des hommes. Car la disproportion homme-femme n’est pas propre à l’art de la rue. On la retrouve également dans les institutions muséales où le travail des femmes demeure relativement méconnu et dans la société en général où la femme a encore à faire sa place afin de contourner les préjugés et la discrimination.

Il faut donc en retenir que ce n’est pas pour demain que la présence féminine se fera plus importante et que les femmes devront encore longtemps se mesurer aux modèles masculins dans le street art comme ailleurs.

Close
0