Close
Mathilde Cinq-Mars: Illustrer la diversité avec poésie

Mathilde Cinq-Mars: Illustrer la diversité avec poésie

Le contraste entre l’apparente fragilité qui se dégage du travail de Mathilde Cinq-Mars et l’énergie tourbillonnante se dégageant de sa voix est frappant. Rien de compliqué ni de tabou chez elle: son rire est franc et ses réponses sont directes, pleines d’aplomb.

Illustratrice indépendante à temps plein, celle qui travaille depuis son atelier de Trois-Rivières a d’abord étudié à Strasbourg en arts visuels, avant de revenir s’acclimater au marché du travail québécois avec un an d’études à l’Université Laval, choisissant un bouquet de cours en arts visuels et en animation. C’est en participant au programme Jeunes volontaires d’Emploi-Québec, alors qu’elle est installée dans le bas du fleuve, qu’elle développe son projet entrepreneurial en illustration. «Ça a marché! Je m’attendais pas à partir en illustration avec ça, c’était juste temporaire pour avoir la bourse, mais finalement ça a été vraiment cool: j’ai fait un site internet et j’ai eu des contrats.»

Ces dernières années, son travail se divise en deux champs principaux: le côté entrepreneurial avec ses imprimés, regroupant ses cartes de souhait et affiches éducatives, disponibles sur sa boutique Etsy et dans une quinzaine de points de vente à travers le Québec, et le côté sur commande, celui dans lequel elle s’investit le plus, qui regroupe l’illustration éditoriale pour les magazines, et l’édition jeunesse, où elle illustre présentement son sixième livre.

Tout comme ses mandats sont divisés entre projets personnels (dont l’espace qui y est alloué rétrécit comme peau de chagrin) et commandes, elle partage son travail entre deux principales techniques: «Des fois c’est juste crayons-aquarelle. Ça c’est plus pour mes choses jeunesses, parce que je peux faire des couleurs plus vives, des choses plus simples.» Pour des illustrations plus complexes ou sortant du créneau jeunesse, l’illustratrice a recours à une technique bien à elle combinant photomontage, l’acrylique, le crayon et l’aquarelle, comme elle l’explique ci-bas.

Cette méthode lui permet de sortir de ses réflexes de dessin et de lui fournir davantage d’inspiration. Peu importe la technique, le papier occupe une place primordiale dans son processus: «Je travaille juste sur papier. Mon dessin, finalement, je le scanne et je l’envoie. Y a pas de retouche qui est faite numériquement.»

Pour qu’elle demeure une illustratrice motivée et heureuse, les mandats de Mathilde doivent être alignés avec ses valeurs féministes et égalitaires, «parce que sinon, la motivation descend ben ben vite», ajoute-t-elle en riant. «Les gens m’approchent pour des choses qui sont toujours dans mes valeurs: j’ai pas de choix plates à faire.»

«J’ai quand même eu, dans les dernières années, des commentaires sur des personnages: à les faire moins noirs, à les faire moins gros, à les faire plus musclés, la mâchoire plus carrée, évoque-t-elle. C’est vraiment pas des choses que je veux vivre. C’est super super confrontant quand même, c’est étonnant de s’apercevoir qu’il y a ça dans le monde de l’illustration, et en plus de l’album jeunesse.» C’est néanmoins par ces expériences qu’elle a pu développer un vocabulaire pour défendre dans son travail la diversité si chère à ses yeux, et à refuser les mandats qui ne la laissent pas aller en ce sens.

Ses thématiques récurrentes touchent à la maternité (elle est d’ailleurs mère monoparentale d’une petite fille de trois ans et demi), aux relations interpersonnelles et à la végétation. Elle adore l’illustration éditoriale parce que celle-ci la pousse à explorer des thèmes auxquels elle ne se serait pas nécessairement attaquée: que ce soit l’immigration en région, un sujet délicat à illustrer de manière évocatrice sans tomber dans les clichés, la dépression prénatale ou les ruelles de Montréal. «Ça me fait naviguer dans toutes sortes de sujets», s’enthousiasme-t-elle. «Chaque fois qu’on me demande un [dessin pour un] texte, j’en lis des textes, je regarde ce qui s’est fait sur le sujet déjà. Moi ça me plonge dans des univers. Faut se plonger dedans beaucoup, mais ça vaut la peine, je pense que ça fait des illustrations qui sont probablement meilleures.»

Le rythme assez frénétique de l’illustration éditoriale, où les délais entre la commande et la livraison sont très rapprochés, lui convient très bien. «C’est très rapide, et très cool que ça soit rapide aussi, parce que c’est très vite fait, c’est très vite finit et on passe vite à autre chose et c’est vraiment stimulant», résume-t-elle. «J’ai pas de misère à trouver des idées, je cherche jamais mon idée: tu me donnes un thème, je propose cinq choses, ils en choisissent un, je le fais.» L’édition fonctionne à l’opposé, avec les projets de livre s’échelonnant sur plusieurs mois: «Pendant 6 mois c’est pas coché sur ta liste: ça c’est stressant!».

L’année qui vient permettra à Mathilde Cinq-Mars de faire rayonner son travail de plusieurs manières. Alors qu’une exposition de plusieurs de ses oeuvres orne les murs de la boulangerie Chez Fred (dans Notre-Dame-de-Grâce à Montréal, jusqu’au 3 mars), elle participera à une autre exposition dans la métropole, collective cette fois-ci, dont les détails seront annoncés sous peu et qui aura lieu au printemps. «J’ai exposé dans beaucoup de cafés, galeries de Québec, Trois-Rivières», résume l’illustratrice, qui a par ailleurs été représentée par une galerie de New York pendant un an et demi, mais qui a choisi d’arrêter en raison de la demande grandissante et d’un manque de temps en découlant.

Un film d’animation en papier découpé qu’elle a créé à l’invitation de CBC est en nomination pour les Canadian Screen Awards. 2017 sera aussi l’occasion de voir le premier livre qu’elle a illustré, les (cinq) autres seront publiés d’ici à la fin 2018. Qu’on se le dise, Mathilde Cinq-Mars n’a pas fini d’enjoliver le monde avec ses dessins.

Mathilde Cinq-Mars

site web | Facebook | Etsy | Instagram

Exposition à la boulangerie Chez Fred

jusqu’au 3 mars | détails

C

Close
0