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«On ne s’écoute plus au Québec!» – Jean-François Beaudoin et Emmanuelle Collins, coordonnateurs du Café Campus

«On ne s’écoute plus au Québec!» – Jean-François Beaudoin et Emmanuelle Collins, coordonnateurs du Café Campus

Pour celui qui a débuté comme DJ en 1999, qui a travaillé jusqu’à tout récemment comme publiciste et qui vient tout juste de reprendre le chapeau de coordonnateur, la salle de spectacles a tout de suite été un coup de cœur. «Je suis allé à mon premier show dans le temps où le Café Campus était encore dans Côte-des-Neiges, en 1990. J’étais allé voir Robert Charlebois, j’étais super fan. Après j’allais aux mardis rétros entre 1994 et 1995. J’aimais vraiment ce bar, j’en voulais un chez nous! (Rires) Le Café Campus, c’est devenu ma famille. Les personnes qui gèrent cet endroit ont les même valeurs que moi: intégrité, indépendance, francophonie, la distribution de la richesse…»

«C’est vraiment une école!» ajoute Emmanuelle, qui a commencé sa carrière au bar. Une belle occasion pour elle de comprendre les rouages d’une coopérative autogérée. «Je cherchais une nouvelle job, après avoir été serveuse de nombreuses années. Ce qui est le fun au Café Campus, c’est que tout le monde commence sur le plancher. Après, c’est possible de devenir comptable, coordonnateur…» Ce qu’elle fait maintenant, depuis plus de sept ans.

«C’est du vol culturel!»

Si les joies de travailler en coopérative ne sont plus à prouver, Emmanuelle avoue toutefois que les décisions sont parfois plus longues à prendre… à plus de 25 membres! «C’est une famille dysfonctionnelle parfois! C’est un modèle unique, ou presque. Heureusement, on a un conseil d’administration qui s’occupe des petites décisions. Qui s’assure de faire respecter la direction artistique, la mission.»

Justement, comment la décriraient-ils, cette mission? «On est un bar francophone avec une clientèle étudiante… Notre mandat, c’est de présenter des bons bands émergents, locaux.» lance Emmanuelle. «Pour l’artiste, c’est une occasion de faire de l’argent. Il n’y a pas de frais cachés. Tout est sur le contrat. Les bands sont responsables de l’affluence, et on les aide parfois.» ajoute Jean-François. La situation parfaite pour tout artiste qui veut se faire connaître? Apparemment, ce n’est pas si simple. «Pour les 50 ans, on voulait aller chercher 50 shows. Ouf, pas facile! Ça a changé au fil des années. On dirait qu’aujourd’hui, dès que ton truc marche, tu as une équipe autour de toi.» explique la coordonnatrice du Café Campus. «Dès que tu es signé…» lance son collègue.

Le problème selon eux? Les contrats d’exclusivité. «On serait à 15 minutes de Montréal, on aurait qui on voudrait. Le fait d’être à Montréal nous nuit… J’ai été flabbergastée d’avoir autant de difficulté à booker des gens. C’est bien d’encourager les régions, mais ce n’est pas mieux si ça fait un effet anti-Montréal.» commence Emmanuelle, avant de laisser la parole à Jean-François : «Tu connais notre façon de faire ici: on est une coop, on est dans l’économie sociale. Le monopole, c’est du vol culturel. Pour moi être indépendant, c’est jouer quand tu veux, où tu veux» Un phénomène qui s’explique peut-être selon lui par le désintérêt ambiant envers la musique québécoise: «La société s’intéresse de moins en moins aux musiques francophones. Oui, il y a La Voix… Mais le peuple délaisse son monde ou le regarde juste sur TVA. On ne s’écoute plus au Québec.»

«Ce n’est pas hipster comme d’autres salles!»

À force d’organiser des spectacles à la sueur de leur front, sans nécessairement toujours récolter le fruit de leurs efforts, trouvent-ils toujours que ça vaut la peine? «Oui! On tient au côté culturel. Certains pensent plus à la discothèque, mais on a deux salles de spectacles! Mais ce n’est pas hipster comme d’autres salles» avoue Emmanuelle. «Certains s’en foutent que ça sonne mal si c’est hipster. (Rires)» ajoute Jean-François. Clairement, un mot qui ne décrit pas bien le Café Campus, qui réussit tout de même à présenter des artistes très pertinents tout au long de l’année.

Ces musiciens, Emmanuelle et Jean-François les côtoient plus souvent qu’autrement. «Je pense que s’ils sont bien entourés, ils peuvent bien réussir. Surtout, je pense qu’il faut être soi-même. Sinon, on va le sentir. Tu vas rester un an, avant de te péter une dépression et de devenir un névrosé agréable.» Vous voilà avertis…

Café Campus

57 Prince-Arthur Est, Montréal

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