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Qualité réduite: filtre nostalgique pour musique actuelle

Qualité réduite: filtre nostalgique pour musique actuelle

Après une première compilation parue en juin dernier, le trio derrière Qualité Réduite récidive avec la crème de la musique locale: We Are Wolves et Duchess Says donc, mais également Corridor, Co/ntry, Le Matos, Heat, Choses Sauvages et Elephant Stone, qui ont tous en commun d’avoir fait (ou d’être sur le point de faire) paraître un nouvel opus.

Derrière cette idée saugrenue réalisée avec soin se trouve un trio complémentaire, composé de Renard Cassé, également cofondateur d’Analogue Addiction, agence de booking qui organise de nombreux spectacles dans la ville; Thierry Sirois, directeur de la photographie passionné de l’image en général et du VHS en particulier; et Samuel Gemme, de la formation UUbbuurruu, qui agit ici à titre d’ingénieur sonore, toutes les sessions ayant été enregistrées dans son Reel Road Studio, niché au sein du Studio Latraque.

«La force de ce projet-là c’est aussi le fait qu’on est trois, de trois milieux assez différents mais qui vont chercher exactement ce qu’on avait de besoin pour créer l’émulsion de tout ça», résume avec enthousiasme Thierry Sirois.

Mais pourquoi diable se lancer dans un support contraignant aux possibilités limitées, si ce n’est que par excès de nostalgie? «J’avais envie de travailler quelque chose avec une esthétique moins polie, beaucoup plus sale, pour permettre de créer du visuel qui épousait bien la musique un peu sale, justement, parce qu’en musique, les bands underground vont salir leur son, toujours, et en vidéo, y a des clips de ces bands-là qui sortaient qui sont toujours hi-quality, et des fois y a un clash entre les deux», affirme Sirois.

C’est parfois dans la contrainte qu’on trouve le plus de richesse à la création. «On est pris pas mal avec ce qu’on a sur les tapes, explique le responsable de l’image. C’était ça aussi le but, de pas avoir trop de latitude en post-production comme c’est le cas maintenant dans les projets plus conventionnels.»

Par le biais de plusieurs caméras ayant chacune une particularité visuelle et par le truchement de projections sur les groupes pendant leur performance, l’esthétique des sessions, tout à fait cohérente, réussit à nous plonger dans le passé.

Tant et si bien que l’impression étrange de regarder les archives de notre présent ne nous quitte pas. «Une sorte de blanchiment nostalgique», comme le résume le directeur photo. «Tu regardes [les sessions], tu te dis pas «ça a été tourné en 1980», mais tu te dis pas «ça a été tourné en 2017» non plus. Tu fais juste apprécier cette session-là sans nécessairement pouvoir la placer sur un timeline. Et encore là, tu pourrais regarder une session des années 2008 et trouver que ça a mal vieilli. Tandis que nous, on pourra regarder ça dans 10 ans et j’ai l’impression que c’est déjà mal vieilli!»

Question de rendre l’expérience encore plus spéciale qu’elle ne l’est déjà, ceux qui se procureront l’une des 100 copies de cette deuxième saison de Qualité réduite auront à choisir leur cassette parmi des films ayant marqué la culture populaire de l’ère VHS. «C’est une façon un peu do it yourself de retoucher cette nostalgie de la matière qu’on aime tant, explique Thierry Sirois avec le sourire. Il y a quelque chose de sympathique d’arriver à la table de merch et de dire: oh tiens, un vieux Batman, je vais prendre ça.»

Lors du visionnement de la cassette, le film original joue pendant une trentaine de secondes, puis laisse place aux sessions musicales, pour reprendre jusqu’à la fin du ruban. Pour quiconque possède encore un lecteur VHS, il s’agit d’une expérience tout à fait personnelle. «Je trouvais que c’était pour l’objet, mais j’ai écouté justement la cassette pour la première fois la semaine passée et juste la mettre dans le truc, c’est vraiment le fun, affirme Renard Cassé. On dirait que l’expérience est plus spéciale.»

«C’est aussi le même concept que l’art du vinyle, rebondit Thierry. Moi j’achète énormément de vinyles, c’est de même que je consomme ma musique. T’as l’obligation de t’arrêter quand tu le mets.» À une échelle plus marginale, l’expérience VHS est similaire: «c’est glorifier l’objet, mais glorifier le temps que l’objet t’oblige à prendre pour le consommer.»

Mais alors que le vinyle connait une renaissance importante, le trio derrière Qualité réduite n’a aucunement la prétention (ni le fol espoir) de faire renaître ce type d’engouement pour la cassette. Inutile de préciser que la vente des VHS est loin de financer le tournage des sessions. «Au final, ça finit par nous coûter quelques centaines de dollars chaque volume, parce qu’on se nourrit pendant les sessions, on donne de la bière aux bands [aidé par une commandite du Trou du Diable], on a du matériel à acheter, à louer, constate Thierry Sirois. Idéalement ça serait de réussir à trouver une petite subvention qui nous permettrait juste d’accueillir les bands un peu mieux, de leur offrir le lunch, de faire en sorte que le temps investi est mieux distribué.»

Mais qui dit subventions dit aussi cases précises, dans lesquelles Qualité réduite, qui n’est ni une formation musicale, ni une étiquette de disque, ne rentre pas pour le moment. Maintenant enregistré comme entreprise, le trio espère ainsi faciliter le processus et pouvoir inviter à l’occasion des groupes provenant de l’extérieur de l’île.

La principale source de financement (et de célébration) s’avère sans contredit la soirée de lancement, qui aura lieu le 31 janvier prochain au Matahari Loft, sur Mont-Royal sous la forme d’un 5 à 9. Les vidéos seront projetées sur les murs, de sorte que le visuel devrait envelopper la foule présente, qui pourra se déplacer dans l’espace sans manquer se qui se déploie devant ses yeux.

Les vidéos se retrouveront ensuite sur le web, et le trio parle déjà d’une troisième saison. «Idéalement, on voudrait en sortir au minimum une par année, le plus longtemps possible, affirme Thierry Sirois. L’idéal, ça serait que dans 20 ans on en fasse encore et que ça soit un milestone de la musique montréalaise de cette année-là.»

Qualité réduite

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Lancement du volume 2 le 31 janvier au Matahari Loft

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Crédit image principale: Logo par Florence-Ariel Tremblay (Super Dope), VHSisé par Thierry Sirois

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