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Métier artiste: l’envers du décor de Jennifer Lupien

Métier artiste: l’envers du décor de Jennifer Lupien

Métier artiste: l’envers du décor: Ce sont des rencontres avec des artistes en arts visuels. Qu’ils viennent de la performance, de l’installation, de la peinture ou de la sculpture, mon but est de parler de leur situation économique. Je veux faire connaître aux lecteurs la situation d’emploi des artistes d’ici et la précarité que certains d’entre eux peuvent vivre. Sujet presque tabou, mais crucial. Voici donc l’occasion de découvrir des artistes d’une autre manière.

À 33 ans, Jennifer Lupien enchaîne les contrats et les emplois diversifiés. Originaire d’Amos, cette artiste a roulé sa bosse et est devenue une sorte de femme pieuvre. Aujourd’hui plus que jamais, son objectif est de pouvoir consacrer du temps à sa pratique artistique.

Elle orchestre donc son horaire pour travailler en moyenne 25 heures par semaine dans ses emplois de subsistance. Elle ne souhaite pas accomplir tous les jours les mêmes tâches et le fait de multiplier les emplois lui permet de satisfaire les différentes facettes de sa personnalité. Le critère essentiel pour le choix de ses emplois est le taux horaire et l’équipe de travail. Il doit être relativement élevé afin de lui permettre de travailler le moins d’heures possible par semaine. Elle indique qu’elle ne peut se permettre d’être artiste à temps plein. En étant mère, elle doit s’assurer d’un minimum vital afin de subvenir à ses besoins et ceux de sa fille.

Pour le moment, elle occupe trois emplois à temps partiel. Elle est serveuse au bistro d’une amie, conseillère à la SAQ et prend des contrats de transcription et de traduction pour des compagnies de marketing. Lors de la période estivale, elle travaille comme barmaid dans les festivals. Dans le passé, elle avoue avoir beaucoup travaillé en restauration, peut-être l’influence de son enfance passée au restaurant de son père. Elle se rappelle que déjà toute jeune, elle allait en cuisine «beurrer des toasts». En plus de ses emplois actuels, elle m’indique qu’elle a déjà été animatrice d’ateliers d’art, entrepreneure, tatoueuse et travailleuse culturelle. Rien de moins. Lors des deux dernières années, elle a eu la chance de se voir offrir des contrats comme chargée de cours à Concordia: «C’était vraiment mon emploi de rêve, j’étais très triste de terminer.» Éventuellement, elle souhaite poursuivre sa carrière comme enseignante, mais n’est pas pressée de trouver pour l’instant un emploi fixe.

C’est à l’Université Concordia que Jennifer a fait ses études universitaires. Ce lieu est en quelque sorte devenu au fil du temps sa deuxième maison. Son parcours scolaire a par ailleurs été parsemé de choix alternatifs: théâtre au cégep, psychologie et histoire de l’art pendant la durée de son baccalauréat. Au final, elle a poursuivi sa formation en arts visuels. Elle m’avoue avoir éprouvé tout au long de ses études une pression pour trouver un «vrai» métier. Comme si celui d’artiste n’en était pas véritablement un et qu’il lui fallait trouver un emploi pour «gagner» sa vie. Elle est maintenant en paix avec elle-même et assume ses choix.

Le métier d’artiste est constitué d’une grande part de travail de rédaction pour des soumissions afin d’obtenir des expositions ou des bourses. Jennifer m’indique qu’elle y consacre environ 80 % de son temps: «J’aime être en mode de production. Mais, avec le métier d’artiste, tu es beaucoup en mode administration, et une fois de temps en temps tu es en mode production.» La production et l’administration sont donc interreliées. Dans sa pratique, cette artiste aborde la notion d’espace; l’espace construit ou architectural. Elle conçoit ses oeuvres selon le lieu en opérant des transformations dans l’espace d’exposition. Elle repense l’espace qui lui est offert, greffant stratégiquement des formes pour nous révéler des choses sur lesquelles notre regard ne s’attarde habituellement pas. Dans sa production, la sculpture et les arts d’impressions se côtoient et ses oeuvres possèdent un style épuré et minimaliste.

Lors de notre rencontre, Jennifer était en pleine préparation de son exposition Tableaux et C7 de Velours à la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal. En terminant, elle me dit avec un sourire radieux: «J’ai 33 ans, j’ai plein d’idées, plein de projets, j’aime être artiste. Je suis quelqu’un de débrouillard qui ne se laisse pas abattre.»

Jennifer Lupien

Exposition en cours:

Jennifer Lupien_Tableaux et C7 de Velours

à la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal

Du 17 novembre 2016 au 5 février 2017

Crédit photo principale: Ondulations, de Jennifer Lupien. Gypse, plâtre, peinture au latex. Dimensions variables (les pièces au mur mesurent approximativement 36 pouces de hauteur, 30 pouces de largeur et 12 pouces de profondeur). Présenté à la Galerie Engramme en 2015, Québec

 

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