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Le Festif! 2016: primeurs et bonheur

Le Festif! 2016: primeurs et bonheur

« On se sent tellement chanceux pis privilégiés de se ramasser icitte! », a dit un Fred Fortin tout sourire à l’impressionnante foule massée sur le quai de Baie-St-Paul pour assister au premier concert de l’excellent album Ultramarr, paru en mars dernier. Et à voir les sourires échangés sous le ciel bleu et la vigueur des applaudissements tout au long du généreux spectacle, les musiciens n’étaient évidemment pas les seuls à se sentir choyés.

« Une de nos fiertés, c’est de réussir à émouvoir des artistes qui en ont vu d’autres, raconte Clément Turgeon, directeur général et artistique du Festif! Être capable de les amener ici, dans des conditions qu’ils n’ont jamais vécues, c’est une belle fierté qu’on a. » Et que dire de l’excellente idée des organisateurs de multiplier les concerts au quai, lieu magnifique fleurant l’eau salée et donnant aux yeux l’occasion de se poser tantôt sur la baie, tantôt sur les montagnes. Ainsi, les chanceux que nous sommes avons eu droit, en plus de Fred Fortin, à de superbes prestations d’Avec pas d’casque, de Safia Nolin et de Basia Bulat. On a déjà connu pire façon de débuter ses journées!

Avec pas d’casque a profité de son passage au Festif! pour tester quelques nouvelles chansons en vue du lancement de son cinquième album complet, Effets spéciaux, à paraître en septembre. Le groupe a pu bénéficier de la collaboration des éléments pour son spectacle: la pluie s’est arrêtée au même moment où les premières notes résonnaient dans l’air, les goélands se sont exclamés comme s’ils avaient pu lire les partitions et le vent s’enthousiasmait dans les micros, donnant un effet de vieux tourne-disque, comme l’a fait remarqué le batteur Joël Vaudreuil. Magie festivalière ou beau hasard? Qu’importe: le résultat était surréel. Nous avons eu droit à quatre nouvelles pièces, dont Nos corps en ré bémol, Gloires du matin et Derviches tourneurs, le premier extrait déjà disponible.

Le lendemain, Safia Nolin a une fois de plus charmé son public avec sa voix puissante et ses interventions pleines de candeur. En plus des pièces tirées de son propre répertoire (entre lesquelles elle a joyeusement assuré à la foule aller beaucoup mieux qu’au moment où elle écrivait ses chansons sombres), elle a entonné une reprise de Rihanna (Work), d’Offenbach (Ayoye), et du classique titanesque My heart will go on, partiellement francisé, en rappel.

Basia Bulat a poursuivi tout au bout du quai, quelques heures avant son concert officiel, avec une prestation sur un magnifique piano droit pour une enfilade de chansons en solo. « Je me sens comme une Elton John sur la plage » a-t-elle affirmé, ravie d’entendre autant de demandes spéciales du public qui lui a manifesté beaucoup d’amour, autant en plein air que plus tard sous le chapiteau.

C’est là que réside la force du Festif!, dans son talent pour créer des moments intimes mettant en valeur tout à la fois la musique des protagonistes et les charmes de la ville. Et il ne s’agit pas d’un hasard: un grand travail est fait en amont afin de trouver de trouver un lieu qui colle avec chacun des artistes. « Cette année, c’était un défi que je m’étais donné, dit Clément Turgeon. Je mets mes écouteurs, je me promène dans Baie-St-Paul et je cherche des places. »

Nous avons ainsi pu récolter le fruit de ces recherches, avec des prestations de Dumas sur le comptoir du dépanneur Accommodation Baie-St-Paul (où le chanteur a eu la gentillesse de faire deux spectacles de suite pour permettre à tous ceux qui attendaient de pouvoir rentrer dans le commerce exigu), de Keith Kouna dans un escalier (avec une apparition brève mais marquante d’une voisine en colère) et de David Marin dans un décor idyllique, près du pont.

Et tout ceci sans compter les prestations de Lydia Képinski et Mon Doux Saigneur sur le toit du Gîte TerreCiel, où Baron résidait pour la durée du festival, ou encore du duel de fanfares dans le stationnement de l’église tard dans la nuit, clin d’oeil au moment magique de l’année dernière. La seule recette: expérimenter et être ouvert aux possibilités surgissant en cours de route: « Chaque année, il va y avoir des laboratoires comme ça: on va toujours essayer des affaires. Des fois ça se peut qu’on se plante et que ça n’ait pas rapport, mais on essaie, explique M. Turgeon. Quand on voit que l’idée marche, on la reprend. Ça reste qu’il faut être prudent: il y a l’exemple des fanfares qui revient souvent et c’est tout le temps un coup de coeur, mais l’année prochaine, on ne garantit pas qu’il y ait une fanfare, parce qu’on veut que ça reste une surprise. » On salue les intermèdes musicaux entre les changements de groupe sur la grande scène, belle idée qui a été bien exploitée au cours de la fin de semaine.

Avec un équilibre entre des noms plus pop/grand public tels que Half Moon Run, Ariane Moffatt, DJ Champion et Cat Empire, pour n’en nommer que quelques-uns, et des propositions plus champ gauche comblant une autre frange de festivaliers avec Les Goules, Duchess Says ou encore Anatole, la programmation était une fois de plus cette année très bien ficelée. Avec des journées débutant à midi et se terminant vers 2h du matin, parsemées de plusieurs concerts gratuits, il y a avait de quoi rendre heureux autant les lève-tôt que les noctambules.

Mentions spéciales à VioleTT Pi, à Brown, au duel de fanfares sur la rue festive et à Dumas. C’était enfin notre baptême de VioleTT Pi après de multiples rendez-vous manqués, et son éclectisme musical n’a pas manqué de nous énergiser. La complicité père-fils de Brown est très touchante en live, et le duel de fanfares a donné lieu à une rencontre particulièrement théâtrale. On vous avait parlé de la performance sans faute de Dumas à Quartiers d’hiver plus tôt cette année: une fois de plus, le chanteur a présenté sous le chapiteau toute une leçon de rock, enfilant les pièces de son répertoire revisitées avec énergie et générosité.

Résolument écolo, le festival a pu compter sur une installation sans bouteilles ni canettes et de la vaisselle entièrement compostable. Le Festif! a aussi donné aux entreprises de la région une belle vitrine, en ne vendant que de la bière de la MicroBrasserie Charlevoix et de la nourriture d’entreprises locales. « Je pense que ça [nous] vient naturellement parce qu’on est fier de ce qu’on a dans notre région, résume le directeur du festival. Je suis né ici, j’ai grandi ici, donc on est fier de ce qu’on est, de où on vient. » Le festival vise un fonctionnement zéro déchet, et chemine vers cette voie année après année.

Cette 7e édition marquait l’année la plus achalandée de l’histoire du festival, qui connait une croissance marquée à chaque édition. Selon les chiffres officiels, 28000 festivaliers ont assisté à l’événement cette année, dont 66% provenant de l’extérieur de la ville. Pas de doute que le comité organisateur devra réfléchir à l’orientation que prendra son festival pour les prochaines années et gérer sa croissance. « L’année prochaine, on va avoir plein de nouvelles mesures pour faciliter la circulation, pour éviter la congestion et pour que les festivaliers aient la vie plus facile », mentionne Clément Turgeon, soucieux que l’événement garde son côté convivial et intime malgré la popularité grandissante. D’ici là, on garde dans notre poche arrière les moments précieux qu’on y a vécus et on se dit à l’an prochain.

Le Festif!
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Crédit photos: Maryse Boyce

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