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Réfléchir le web en 50 questions passionnantes

Réfléchir le web en 50 questions passionnantes

Pas facile d’intéresser les gens aux sciences humaines, ou aux « humanités » comme préfère les appeler Loszach. « Je fais souvent la blague, j’aurais pu appeler mon livre Précis de culture sociologique, mais j’aurais pas vendu de livre. L’intérêt quand on écrit un livre, c’est pas de rajouter une feuille sur son CV, pour moi en tout cas. Et c’est pour ça que je me suis associé aux Éditions Cardinal: c’est véritablement faire un livre pour qu’il soit lu. »

Le titre a donc été mûrement réfléchi pour piquer la curiosité et amener le plus grand nombre possible à prendre entre leurs mains ce recueil de réflexions sur l’ère digitale.

Déficit d’attention, droit à l’oubli, popularité fulgurante et indétrônable des vidéos de chat: voici quelques exemples des sujets touchés par l’auteur. Le tout est analysé à travers un prisme très large de perspectives, et Loszach parvient à tisser de courts chapitres à la fois précis et digestes qui permettent de prendre du recul sur des situations dans lesquelles nous sommes trop souvent embourbés pour y voir clair.

« C’est un livre pour apprendre à penser l’internet, pour apprendre à réfléchir à des questions sociologiques, philosophiques, sur le numérique, mais avec un langage qui est relativement accessible. »

Si l’une des bases de 50 questions pour expliquer le Web à mon père est l’émission La Sphère à Radio-Canada, où Fabien Loszach fait des chroniques sur les humanités digitales, celles-ci ont largement été bonifiées, notamment avec une partie de la thèse en sociologie de l’auteur, qui a été pour l’occasion « dé-théisée ».

« Après chacune de mes chroniques radio, j’appelle mon père pour savoir s’il a compris ce que je disais. C’est pour moi un référent très important en terme de contenu et de compréhension. » Le titre a donc aussi été choisi parce que Loszach constate l’intérêt envers le web chez les 50 ans et plus. « Les seniors ont envie de s’intéresser au numérique! » L’auteur se désole que l’approche avec laquelle on traite les seniors et l’internet se rapproche de celle avec laquelle on aborde le sexe chez les adolescents: par le danger plutôt que par le plaisir. Une approche qui ne reflète pas nécessairement la réalité et qui en freine plusieurs, selon lui.

« Oui, il y a des histoires d’horreur, mais la plupart du temps, quand les seniors se servent de l’internet, ils redécouvrent la sociabilisation, explique-t-il, donnant l’exemple de Facebook. Ça permet aux seniors de continuer à avoir une vie sociale […] au moment-même où leur corps les empêche de plus en plus d’avoir cette sociabilisation. »

L’information au temps de la surabondance

« C’est un autre angle de lecture du livre: montrer que nombre de comportements numériques modernes ont des liens puissants avec le passé », affirme l’auteur.

« Je prends par l’exemple du sentiment de surcharge informationnelle, ou d’infobésité, ce sentiment qu’il y a une surabondance d’informations dans nos vies numériques », un sentiment partagé par les intellectuels au… XVIe siècle, alors que l’imprimerie venait d’être inventée et le système de poste peaufiné. « Pour palier à ce sentiment, Théophraste Renaudot [intellectuel français] a inventé deux modèles de traitement de l’information encore largement utilisés: la gazette et la conférence. Deux modèles qui permettent de synthétiser et concentrer l’information dans une forme digestible. »

Une des critiques les plus importantes à l’égard du web est le fractionnement de l’attention, résultant en une incapacité à se concentrer plus d’une poignée de minutes à la fois. « C’est pas juste le numérique, c’est aussi la révolution de la mobilité qui nous a beaucoup beaucoup beaucoup influencé sans qu’on ne s’en rende compte véritablement. », commente Loszach. 

Pour lui, une des façons de reconquérir sa concentration, notamment pour lui permettre de rédiger son livre, « la plus efficace pour moi, [ça] a été d’enlever toutes les notifications sur mon mobile. Ça a été une vraie libération. »

« Ce livre m’a permis de prendre du recul et de retrouver le temps long de l’écriture. Il m’a permis, pour reprendre les termes d’Olivier Houdé, d’apprendre à inhiber le système automatique de traitement des informations, très avide de stimuli, pour favoriser le système réfléchi, qui permet de s’extraire d’une situation, de prendre du recul et de raisonner. », une thématique qui est approfondie dans un des chapitres du livre. « C’est un combat de tous les jours. C’est sûr que c’est une éthique que tu dois te mettre. Des fois tu y arrives, des fois tu y arrives pas. »

Et alors que 50 questions pour expliquer le Web à mon père ne constitue pas une recette miracle, le livre s’avère un bel exercice pour reprendre le contrôle sur sa concentration, une réponse à la fois.

50 questions pour expliquer le Web à mon père

par Fabien Loszach

aux Éditions Cardinal

272 pages

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