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Patsy van Roost: Dans l’univers de la Fée

Patsy van Roost: Dans l’univers de la Fée

Mieux connue sous le nom de la Fée du Mile End, Patsy van Roost œuvre dans son quartier. Sa mission : créer des liens, raconter des histoires, provoquer des rencontres.

Elle présentera son travail créatif lors de l’événement de réseautage Solstice, qui aura lieu le 14 mars prochain. En attendant, elle a accepté de répondre à nos questions et de nous présenter son univers.

Comment est-ce que le titre de Fée du Mile End est apparu?

C’est le journal Le Devoir qui m’a surnommée La Fée du Mile End dans un article qu’ils ont écrit sur moi à la une du journal, le 14 février 2013. Au début, je trouvais ce titre cul-cul, mais aujourd’hui je l’assume pleinement… Chaque fois qu’on me demande ce que je fais dans la vie, j’ai la chance de répondre que je suis Fée! C’est le point de départ de bonnes conversations…

Quel est le lien entre tous tes projets?

Je vois un peu chacun de mes projets comme différents chapitres d’une même idée, à savoir l’urgence de se rencontrer et de se raconter. Mes projets nécessitent une réflexion de la part des participants, un dévoilement d’une partie d’eux-mêmes, souvent privée, dans l’espace public. Quand je choisis de passer par la boîte aux lettres plutôt que de jouer sur le trottoir (sous le nom de Papernurse), j’offre des petits dispositifs en papier qui permettent aux récipiendaires de se raconter et d’aller vers l’autre. Mes deux pratiques ont différentes formes, mais toujours la même obsession de tendresse et souvent, de la couture et du fil…

Quelles autres disciplines artistiques t’inspirent?

Tout inspire mon processus créatif, mais avant tout, c’est une belle rencontre, une discussion intéressante, un article dans le journal, une nouvelle à la radio… qui me poussent à faire le prochain projet. Avant, je faisais beaucoup de recherche sur le Web, je suivais plein de blogues sur l’art, le design, la mode et la création en général, j’étais pas mal au courant! Je passais des heures à feuilleter des revues, à chercher je ne sais quoi. Aujourd’hui, je « cherche » moins, je suis moins au courant de ce qui se passe dans le monde de l’art et du design et mon quotidien est beaucoup plus ancré là où je suis, dans mon quartier. Je m’entoure beaucoup plus de gens, c’est la vie tout près qui m’inspire le plus. Je passe plus de temps au café que dans les musées. J’ai besoin de regarder les gens autour de moi et de les écouter, même quand ils ne le savent pas. Ce qui ne m’empêche pas de flâner chez Drawn & Quarterly de temps à autre… c’est là que je vais quand j’ai besoin d’inspiration ou que je cherche une piste pour un projet.

Quels thèmes t’habitent sans te lasser?

La tendresse dans la ville, la surprise, le don, le partage, le « prendre soin », les voisins, l’extraordinaire non spectaculaire, le non-tech, la magie du quotidien, les facteurs, la poste, les lettres, le privé dans l’espace public, le trottoir, les connexions, le storytelling, célébrer Monsieur et Madame Tout-le-monde!

Que ressens-tu face à un projet qui ne t’appartient plus, qui vit par lui-même?

À partir du moment où je fais appel aux autres, le projet appartient déjà à tous ceux qui participent. J’orchestre des expériences : les projets sont beaucoup plus gros que moi, ils appartiennent à tout le quartier et c’est ce qui est beau. Les citoyens s’approprient chacun des projets et les font vivre. Ils les rendent possibles.

Lorsqu’on installe un projet dans l’espace public, il ne nous appartient plus. Il y a toujours des imprévus; parfois de beaux ajouts et, d’autres fois, des morceaux qui disparaissent. À date, j’ai été fort chanceuse. On a pris soin des projets que j’ai orchestrés dans l’espace public, ils ont souvent survécu beaucoup plus longtemps qu’espéré, mais j’ai un projet qui a été détruit avant même d’être inauguré.

Il faut mettre toutes les chances de son côté quand on conçoit un nouveau projet : anticiper ce qui pourrait arriver et trouver de meilleures solutions, ajuster les matériaux en conséquence, repenser l’accrochage… mais en fin de compte, on perd le contrôle une fois le projet installé (et ça fait partie de la beauté de la chose!). Bref, je vois chacun de mes projets comme un cadeau, une fois offert il ne m’appartient plus.

Quel est le défi le plus difficile que tu as dû relever?

Survivre en tant que Fée est un immense défi! La plupart de mes projets sont mes propres initiatives. Je fonctionne surtout hors du système de l’art et des festivals, je travaille beaucoup dans mon quartier, ce qui veut dire que personne ne me paie pour ce que je fais. Depuis deux ans, j’ai réussi à élaborer des façons de faire créatives pour financer mes projets; en vendant des morceaux, des traces à collectionner (à la manière de Christo!) aux participants, en osant demander une contribution financière aux commerçants et à l’arrondissement et en tentant une campagne de sociofinancement (Indiegogo)… tout ça m’a permis de réaliser mes projets, mais il me reste à assurer ma propre survie : loyer, bouffe…

Que voudrais-tu demain?

Exactement ce que fais aujourd’hui — semer de la magie dans le quotidien et inventer de nouveaux dispositifs qui font que les gens se racontent —, mais ailleurs que dans le Mile End. On me demande toujours si ce que je fais pourrait fonctionner ailleurs et j’ai envie d’aller voir! Je pense que ça serait possible, mais il faudrait que je m’installe un bout de temps dans ce nouvel endroit, le temps de pondre un projet qui répond aux besoins de la place. Je pense que je suis prête. J’ai envie de perdre mes repères, de sortir de ma zone de confort, de m’installer où personne ne me connait, de « jouer » ailleurs. Les résidences de création me semblent une belle solution pour aller plus loin et je suis en train de concocter un projet qui me permettra (peut-être) de vivre temporairement dans quatre quartiers différents l’année prochaine. J’aimerais devenir la Fée urbaine! Dans le fond, je peux travailler n’importe où il y a encore des boîtes aux lettres!

Quand tu démarres un projet, de quelles façons abordes-tu le travail à accomplir?

J’aime m’écrire à moi-même, comme si j’essayais d’expliquer mon projet à quelqu’un d’autre. C’est de cette manière que j’arrive à comprendre pourquoi je fais un projet, pourquoi je le fais ainsi plutôt qu’autrement, pourquoi celui-là et pas un autre. J’ai besoin de décortiquer ce que je fais et de l’examiner sous plusieurs angles. La plupart de mes projets partent d’une question : Et si… Et si la ville offrait des cadeaux? Et si la ville accueillait chaque nouveau résident dans un quartier? Et si la signalétique urbaine devenait tendre? C’est lorsque je m’écris que je résous plein de problèmes, j’en anticipe des nouveaux et finalement, j’améliore le projet. Ma pratique est ancrée dans un processus de design. Chaque projet a une mission; j’ai envie d’améliorer quelque chose ou d’offrir une autre façon de faire.

Une fois le projet écrit, j’élabore la liste des étapes à accomplir, avec un échéancier, et je lance le premier appel… par la boîte aux lettres ou sur Facebook. Parfois, je cherche des participants qui font quelque chose de spécifique. D’autres fois, j’ai des besoins plus techniques. Une fois que l’appel est lancé, le projet est vraiment né, l’excitation monte et je ne peux plus faire marche arrière (c’est un moment magique!).

Je reviens encore à l’écriture à la toute fin d’un projet. Cette fois, j’examine ce qui a bien fonctionné et je trouve des solutions pour améliorer le projet (même si ce n’est pas prévu de le refaire!). C’est aussi l’occasion pour moi de noter des statistiques (le nombre de recettes recueillies, de pochoirs imprimés, de mots livrés, etc.). J’adore ce genre de chiffres! La fin d’un projet est aussi presque toujours le début du prochain. Chaque projet est né du précédent.

Qu’est-ce qui t’a plu dans Solstice? Pourquoi as-tu accepté de participer?

J’aime les rencontres et encore plus lorsqu’il s’agit de « créatifs ». Je suis toujours intriguée par le processus des autres, différentes méthodes, l’envers du décor… Le processus de création me passionne souvent plus que le produit final! Solstice me permettra cet échange et me donnera l’occasion de partager mon processus et l’univers de mes projets.
Depuis un an, j’aime parler de mon travail, j’aime raconter mes projets… ce qui me rendait malade il n’y a pas si longtemps. J’ai pris une certaine confiance en moi, mes projets m’habitent et quand je les raconte, on dirait qu’ils font du bien. Il y a beaucoup de coeur dans mon travail, alors ça se partage bien!
J’ai tendance à dire « oui » à presque toutes les invitations qui me sont lancées parce que je sais que chaque « oui » est l’occasion d’une belle rencontre et chaque rencontre est la possibilité d’un nouveau projet.

Sur le Web
Site officiel: http://patsyvanroost.com
Papernurse: https://www.facebook.com/pages/Papernurse/175014322558439?fref=ts
Vimeo: https://vimeo.com/96731853

Crédit photo principale: Noémie Letu
Crédit photo dans l’atelier: Alex Tran
Crédit photo de l’atelier: Youssef Shoufan

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