Faire la promotion des projets d’architecture et de design d’ici tout en rejoignant le grand public n’est pas chose évidente. Pour ceux qui œuvrent dans le domaine, on constate assez rapidement qu’en comparaison à la quantité de sites spécialisés et blogues qu’on retrouve à l’étranger et qui parviennent à rejoindre un large public, il existe encore peu de ressources dédiées aux projets et créateurs d’ici. Au Québec, le site de Kollectif.net offre déjà une très bonne couverture des évènements et nouvelles issus du milieu, mais on constate qu’une plateforme orientée sur la description détaillée de projets permettrait de couvrir un autre aspect important de la pratique. C’est en ce sens que le site ‘Architecture du Québec’ est né il y a déjà quelques semaines. Parka s’entretient avec son fondateur, Jérôme Laferrière, pour en apprendre un peu plus sur cette initiative qui se démarque par sa grande qualité.
Parka: Quelques mots sur votre background?
Jérôme: J’ai fait un baccalauréat en communications à l’UQÀM avant de faire mon bacc et ma maîtrise en architecture à l’Université Laval. J’ai travaillé comme stagiaire en architecture pendant quelques mois et j’ai aussi complété quelques contrats dans le domaine à titre personnel.
Parka: Quelle mission se cache derrière Architecture du Québec?
Jérôme: J’ai lancé Architecture du Québec dans le but de présenter et de promouvoir l’architecture québécoise et ses créateurs. J’ai une définition très large de ce qu’est l’architecture. Pour moi, l’architecture de paysage, le design urbain et le design d’intérieur — en fait, tout ce qui relève du design de l’espace —, c’est aussi de l’architecture.
Parka: Votre public cible?
Jérôme: Le site s’adresse autant aux amateurs et connaisseurs d’architecture et de design qu’au grand public. C’était important pour moi que les deux publics puissent y trouver leur compte. À l’intérieur du milieu, on se rend déjà compte à quel point l’architecture d’ici est intéressante. Par contre, le grand public commence seulement à réaliser l’ampleur du talent des architectes et designers québécois. C’était important pour moi de contribuer, ne serait-ce qu’un peu, à faire connaître ce talent.
Parka: Qu’est-ce qui a initié l’idée?
Jérôme: Je visitais déjà fréquemment des sites web sur le design et l’architecture, mais quand je cherchais de l’information sur les créations québécoises, il n’y avait presque rien. Et pourtant, ce ne sont pas les projets de qualité qui manquent! Je me suis donc dit qu’il y avait sûrement là un besoin à combler.
Par mes études, je connaissais déjà l’architecture et je savais tenir un site web. Par contre, je n’avais aucune idée comment lancer ce genre d’entreprise. Une chance, j’ai eu de l’aide d’amis et de parents, sinon, je n’y serais jamais arrivé! Le site roule depuis début septembre et, jusqu’à maintenant, l’achalandage dépasse les prévisions. Je suis très content!
Parka: Comment opérez-vous le site?
Jérôme: Il m’arrive de tirer des articles des communiqués de presse émis sur v2com, agence de presse spécialisée dans l’architecture et le design, mais j’essaie autant que possible de me rendre sur les lieux pour me faire ma propre impression et prendre mes propres photos. En ce qui concerne les dessins d’architecture (plans, coupes, etc.) que les lecteurs apprécient particulièrement, c’est plus compliqué. Au début, je contactais les bureaux directement, mais rares étaient ceux qui avaient le temps de me répondre. Les architectes québécois, en général, semblent peu enclins à l’autopromotion. Maintenant, je connais quelques personnes, je peux parfois passer par le client, d’autres fois je contacte la firme de communications à laquelle le bureau d’architectes confie ses relations publiques. Mais ça reste un défi.
Pour l’instant, je travaille seul sur le site. Mais c’est clair qu’éventuellement, il me faudra embaucher.
Parka: Comment vous y prenez-vous pour faire la promotion de votre site?
Jérôme: Jusqu’à présent, toute la promotion s’est faite de bouche à oreille. Je suis éternellement reconnaissant à tous mes amis et parents qui ont aimé, partagé et repartagé le site sur les médias sociaux. C’est grâce à eux s’il a pu décoller.
Parka: La réponse du public jusqu’à maintenant?
Jérôme: Comme je disais, pour un site qui vient juste de commencer, il est très lu, ce qui me rend très heureux. J’imagine que c’est parce que les gens apprécient. Mais honnêtement, c’est dur à dire. J’ai peu de contacts directs avec les lecteurs. C’est un problème inhérent à ce type de publication sur le web. Il va falloir que je m’attaque à ça au cours des prochains mois.
Parka: Comment voyez-vous la pratique architecturale au Québec à l’heure actuelle?
Jérôme: J’ai quitté l’école il n’y a que quelques années, donc prenez mes commentaires à ce sujet avec une certaine réserve, mais j’ai le sentiment que les bureaux d’architectes au Québec sont en cours de transition. Il n’y a pas si longtemps, on voyait le métier d’architecte comme une profession libérale, avec les ingénieurs, les notaires, les médecins, etc. Beaucoup de bureaux d’architecte sont encore organisés comme ça, avec quelques associés qui gèrent leurs petites affaires et qui attendent tranquillement que les contrats viennent à eux.
D’un autre côté, le monde de l’architecture s’est indéniablement rapproché de celui des arts et du design. Il n’est plus rare de voir des firmes audacieuses proposer des approches radicales ou de concevoir des installations artistiques qui ont d’abord pour but de nous faire réfléchir sur notre relation à l’espace. Ce genre de position créative est véritablement celle de l’artiste.
Le désir qu’ont plusieurs architectes de voir enfin la valeur de leur travail reconnue par le grand public relève de cette seconde vision. Mais pour y arriver, peut-être faudra-t-il abandonner les privilèges et la sécurité qui venaient avec la première.
www.architectureduquebec.com
Image: Projet par Lemay+CHA et Architecture 49
