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« Il faut pratiquer le métier, pas juste jouer de la musique. » – Steve Guimond, directeur de la programmation pour la Casa del Popolo et la Sala Rossa

« Il faut pratiquer le métier, pas juste jouer de la musique. » – Steve Guimond, directeur de la programmation pour la Casa del Popolo et la Sala Rossa

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Mordu de musique émergente? Vous avez sûrement déjà fait votre (s) tour(s) à la Casa del Popolo et à la Sala Rossa. C’est que ces salles situées sur Saint-Laurent sont devenues des incontournables de la scène alternative! Du coté de la Casa del Popolo, c’est autant à un café végétarien, une galerie d’art et une salle de spectacles qu’on a droit. Juste de l’autre côté de la rue, on retrouve la Sala Rossa: un espace accueillant concerts et événements culturels, ainsi qu’un restaurant offrant une cuisine d’inspiration espagnole. Entrevue avec Steve Guimond, directeur de la programmation pour la Casa del Popolo et la Sala Rossa, ainsi que directeur artistique du festival Suoni Per Il Popolo, qui met de l’avant la musique expérimentale.

Pour le mélomane, l’aventure a commencé en 2005. « À l’époque, j’étais directeur musical pour CKIT. Je me pointais donc toujours à la Casa et à la Sala pour aller voir des shows! (Rires) J’étais très impliqué dans la scène underground. Avec le temps, j’ai été approché pour y travailler et voilà! »  Depuis, Guimond a vu passer des milliers d’artistes émergents et indépendants. « À la Casa par exemple, on présente environ 360 spectacles par année. Pour chaque concert qu’on organise, on dit non à 3-4 artistes. Cette forte demande nous permet d’y aller selon nos goûts, qui sont assez étendus. On va surtout vers des groupes de la relève, des musiciens indépendants. Mais surtout, on recherche des sons intéressants, nouveaux. 

Comment expliquer cette (très) forte demande? Sûrement par l’accueil exceptionnel réservé aux artistes. « Chez nous, on se fait un point d’honneur à faire sentir aux musiciens qu’on les veut ici. On les traite comme des amis. On offre une salle prête, des techniciens, de la bouffe et un logis s’il y a besoin. Notre but, c’est de créer une ambiance conviviale. » Des services qui peuvent sembler de base, mais qui sont malheureusement très rares dans l’industrie musicale plus underground. « Les musiciens sont souvent très surpris : c’est que souvent, ça fait 4 à 5 mois qu’ils sont en tournée à dormir sur le plancher chez des étrangers. Parfois payés, parfois non. Les artistes sont régulièrement mal traités. » Grâce à ces services complémentaires, la Casa del Popolo et la Sala Rossa ont réussi à se créer un réseau enviable : « Immanquablement, les artistes reviennent, nous réfèrent à d’autres bands. On est conscients d’être très chanceux de contrôler tous les aspects de l’accueil des artistes. »

« Ce sont les vrais amateurs de musique qui ont créé les blogues et les webzines. »

Côté couverture médiatique, la demande est plus pondérée disons. « On a perdu presque tous nos petits papiers, ceux qui étaient intéressés à notre programmation. Bien sûr, les médias traditionnels s’intéressent davantage à la musique plus commerciale. » Malgré cette situation particulière dans le monde du journalisme culturel, Guimond ne se démonte pas : « Notre but, c’est de créer une connexion avec ceux qui aiment la musique. Même si on a pas nécessairement droit à une grosse couverture, on réussit à créer ce lien. On passe par les réseaux sociaux, l’affichage, la publicité et aussi, le bouche-à-oreille. »

À travers la mutation médiatique, Guimond dénote aussi le phénomène des blogues et des webzines. « Cette montée est très positive. Ce sont les vrais amateurs de musique qui ont créé les blogues et les webzines. Ils suivent ce qui se passe au niveau de l’émergence et ce sont toujours eux qui nous contactent en premier. Je crois qu’ils ont déjà pris le relais des médias de masse par rapport à notre créneau. »

Petite dose de réalité et conseil éclairé

À la lumière des ces années d’expérience comme directeur de programmation, comment Guimond perçoit-il l’industrie de la musique indépendante en 2014? « Tout a été bouleversé avec le phénomène du streaming. Les groupes sont aujourd’hui obligés de faire de la tournée pour gagner leur vie. » Une chose en entraînant une autre, la multiplication des artistes sur la route a occasionné d’autres problèmes : « Cette affluence a rendu l’argent très rare. Il y a tellement de compétition aujourd’hui : c’est extrêmement difficile de percer dans ce contexte. »

Un conseil pour les (tonnes) d’artistes indépendants qui rêvent d’en faire une carrière? « Hum, très bonne question » s’exclame-t-il en éclatant de rire. «Honnêtement, je crois qu’il faut revenir à une certaine base. Retrouver un peu les étapes d’il y a une quinzaine d’années : créer un groupe, pratiquer un bon moment, sortir un album, partir en tournée. Ça donne le temps de cheminer en tant que musicien. D’ailleurs, se sont souvent les groupes qui sont ensemble depuis longtemps qui réussissent. Les artistes d’aujourd’hui ont tendance à tout vouloir sortir trop vite. Cette urgence nuit à la musique en bout de ligne. Il faut pratiquer le métier, pas juste jouer de la musique. »

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