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Se lancer dans l’édition

Se lancer dans l’édition

L’édition de magazines n’est pas l’investissement le plus à la mode dernièrement. Prenons l’exemple de l’hebdo Mirror qui a récemment fermé ses portes. Il est important de savoir que la publication était une propriété de Québecor. Pour ce genre d’empire, un faible revenu d’un produit médiatique est une raison suffisante pour l’éliminer. Mais qu’entend-t-on par faible revenu? Par rapport à quelle sorte de profit?

Parce qu’il est intéressant de voir que malgré le fait que de gros joueurs se débarrassent de leurs hebdos, des groupes de passionnés, eux, se lancent dans l’édition risquée la tête haute. J’ai donc demandé à plusieurs passionnés de l’édition de nous parler de leur projet ou de leur stratégie. Voici ce que ceux qui avaient quelque chose à dire ont répondu.

Cult Montreal
cultmontreal.com
Pour en revenir à l’exemple de l’hebdomadaire Mirror, voici maintenant Cult Montreal, un site internet et une publication conçus par l’ancienne équipe de rédaction du feu journal anglophone montréalais. Cult Montreal est imprimé à un tirage de 10 000 copies et distribué gratuitement dans la ville de Montréal, tout en continuant de créer du contenu pour le site internet.

Lorraine Carpenter, rédactrice en chef musique
« La journée où le reste de l’équipe du Mirror et moi-même avons été mis à pied (22 juin), quelques membres de l’équipe éditoriale et quelques pigistes ont commencé à parler de lancer quelques choses de nouveau. […] Notre but était de construire un site internet rapidement pour que nous puissions continuer à couvrir ce qui se passait dans la ville durant la saison des festivals. Pendant quelques mois, nous avons produit du contenu web mais, comme septembre arrivait, nous avons décidé d’imprimer une publication pour faire revivre l’édition “Student survival Guide” du Mirror, qui était une bonne ressource pour les étudiants et tous les nouveaux arrivants à Montréal. Nous avons pensé d’imprimer à chaque saison ou peut-être aux deux mois, en publiant des numéros spéciaux thématiques, mais cette première édition a été si populaire que nous avons décidé d’imprimer à chaque mois. »

ZAQ
zaqeditions.com
Passionné de magazines depuis toujours (elle a créé sa première publication à l’âge de 10 ans!), Alexandra a lancé ZAQ (Zone d’Aménagement du Quotidien) en septembre 2011. Il s’agit d’une publication qui développe les différents angles d’un thème relié au quotidien. ZAQ a publié cinq numéros depuis ses débuts et est distribué un peu partout dans les librairies et kiosques à magazines du Québec.

Alexandra Schilte, éditrice
« L’idée avec ZAQ est d’aborder un thème du quotidien sous différents angles, d’en faire un bookzine sans pub, une «belle» revue que l’on garde. […]Un spécialiste du marketing dirait probablement de ZAQ qu’il offre une expérience-client à forte plus-value puisque sa lecture est intelligente et ludique en même temps ! Je cherche toujours ce modèle qui pourra financer la revue…(les économies personnelles ne peuvent jouer éternellement ce rôle). D’ici là, je suis convaincue que les magazines ont intérêt à développer plusieurs projets dérivés (de qualité) et/ou des services en parallèle pour aider au financement et à la continuité d’une revue. Je pense qu’il faut accompagner une revue de plusieurs autres affaires (qui n’ont souvent pas de lien direct avec l’édition) pour arriver à augmenter ses sources de revenus. Sinon, il faut se tourner vers les activités de financement, et dans ce domaine, il faut être très créatif pour attirer monsieur-madame-tout-le-monde et pas seulement ses amis autour et les membres de sa famille.»

Urbania
urbania.ca
Fondé en 2003, Urbania est sûrement l’un des magazines indépendants les plus connus présentement au Québec. Il présente chaque numéro en scrutant à fond de façon originale un thème particulier. Urbania a également beaucoup fait parler de lui pour la série télé Montréal en douze lieux, qui lui a valu une certaine reconnaissance dans l’industrie.

Philippe Lamarre, éditeur
« Le magazine Urbania n’a jamais été rentable en soi, mais c’est à travers un écosystème de contenus que ça devient pertinent. Le jour où on s’est mis à produire des séries documentaires pour la télé, on a réussi à obtenir des budgets qui ont pu nous aider à développer des contenus multiplateformes qui ont propulsé notre marque dans des directions encore inexplorées. Et pour survivre, il faut avoir développé une communauté forte et mobilisée, qui est loyale et qui nous suive et nous aime. C’est ce qui fait en sorte que l’on continue et que l’on attire des partenaires. Cela dit, si je n’avais que le magazine comme entreprise, je ne serais plus en affaires depuis longtemps. Ces dernières années, nous avons donc décidé de lancer un programme de co-branding, où l’on associe la marque Urbania à des entreprises avec qui l’on partage des valeurs et un certain esprit. Par exemple, nous avons créé des éditions spéciales d’Urbania pour le club 281, pour Dare to Care Records, pour Denis Gagnon ainsi qu’Ubisoft. […]Quand on se lance dans ce genre d’aventure, il faut s’entendre avec notre client sur la méthode et la collaboration. On est là pour raconter des histoires à un public, pas pour régurgiter un plan marketing.»

Baron et Perle
baronmag.com
perlemag.com

À 16 ans, il publie Rien À Déclarer (Rad magazine), un magazine sur la culture musicale punk. Huit ans plus tard, il s’associe à d’autres éditeurs pour fonder BangBang, un journal sur la musique indépendante qui sera finalement acheté par Communications Voir. Aujourd’hui, il est éditeur de deux publications, Baron et Perle avec son collègue Leonardo Calcagno (lui aussi éditeurs indépendant depuis plus de 15 ans); l’un parle aux entrepreneurs créatifs et l’autre met de l’avant la suggestion dans la photo érotique.

Nelson Roberge, éditeur
« L’édition a toujours sa place aujourd’hui, malgré ce que tout le monde croit par rapport au numérique. Baron et Perle présentent deux modèles d’affaires différents. L’un est gratuit et vit avec la publicité imprimée et en ligne, tandis que l’autre est payant et se concentre sur les ventes directes aux consommateurs. Dans les deux cas, les publications possèdent du contenu très niche. On le répète sans cesse sur toute les tribunes en marketing et en communication, les annonceurs veulent maintenant faire partie d’une expérience. C’est pourquoi avec Baron, on offre souvent la possibilité à certains annonceurs d’être associés à nos évènements. Sinon, on propose de leur créer du contenu personnalisé qui n’est pas un publi-reportage mais un positionnement pour leur marque d’être associé à du contenu intéressant qui les représente. Pour ce qui est de Perle, il y a très peu de pages d’annonceurs, c’est ce qui rend ces derniers privilégiés, puisque le lecteur se souviendra de leur publicité.»

The Alpine Review
thealpinereview.com
Tout nouveau magazine portant sur la technologie, le design, l’anthropologie et plus. La première édition contient 286 pages et est vendue au prix de 35$.

Louis-Jacques Darveaux , éditeur
« Nous imprimons à Barcelone et nous distribuons à partir de Berlin, en Allemagne. The Alpine Review est un projet international par définition. Notre équipe et nos contributeurs sont dispersés sur la planète et nous voulons avoir une distribution proche de notre marché le plus naturel et ce marché, c’est l’Europe, où plus de 60% de nos lecteurs se trouvent. En ce qui concerne Barcelone, il y a une grande tradition d’imprimerie là-bas et nous avons bien connecté avec notre partenaire. Le premier numéro ne comporte pas de publicité donc ça ne faisait pas partie de nos calculs pour celui-ci. Nous allons graduellement introduire la publicité dans les prochains numéros, si nous trouvons les annonceurs/partenaires appropriés. La vente du produit est donc la variable première. Nous travaillons à développer l’écosystème Alpine Review donc il faut s’attendre à ce qu’il y ait d’autres projets qui gravitent autour de cette plateforme. »

Città
cittamagazine.ca
Une autre nouveauté dans l’univers des magazines, Città vient de publier son numéro zéro. Le magazine se tourne vers l’actualité en culture et en design, en travaillant avec des collaborateurs de Montréal et de l’étranger.

Léa Jeanmougin, éditrice
« Si la publication du numéro s’est imposée comme une urgence, le choix de l’imprimé lui, ne l’était pas. J’ai toujours vu le projet comme un magazine papier et c’était important de le voir comme un choix assumé et non comme l’étape suivant, par exemple, une publication web. Choisir un support papier et un format qui se démarque (le 13x9pouces) est aussi offrir un objet qui présente des oeuvres et qui se passe de main à main, par un enthousiasme très concret, et qui est proche de la communauté. Le plan est de lancer le numéro 1 au courant de 2013, c’est à dire le numéro qui lancera la ligne éditoriale définitive. Le but au long-terme est de faire rayonner Montréal dans d’autres métropoles, et donc de distribuer à l’étranger. Je voudrais que cette publication soit un véhicule culturel dans les deux sens : présenter aux Montréalais les talents venus d’ailleurs qui auraient intérêt à se faire connaître ici, et oeuvrer pour faire de Montréal une ville d’art et de design aux yeux, par exemple, d’un européen. »

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