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Marc Xavier Leblanc: Documenter la scène artistique de la Côte Est.

Marc Xavier Leblanc: Documenter la scène artistique de la Côte Est.

Marc Xavier (Bones) Leblanc est un veritable historien de la scène underground de la Côte Est. Depuis plus de vingt ans, il passe son temps entre son studio de photographie à Moncton, son enregistreuse à quatre pistes, les bars de la région et les ondes hertziennes. Entrevue avec un passionné, aux premières loges de l’éclosion artistique de Moncton.

Comment décrirais-tu ta profession ?
Je suis DJ, photographe, artiste multidisciplinaire, mais ma spécialité, c’est la photographie et la documentation de la scène artistique et musicale, du grand Moncton et de la Côte Est. Je fais aussi de la conception graphique, ce qui a été toujours un fort chez moi.

Ça fait plusieurs années que tu côtoies de près la scène artistique de Moncton.
À peu près vingt ans. J’ai commencé à documenter la scène underground : Eric’ s Trip, Idée du Nord, Sloan, ce qui est le premier mouvement de la Côte Est.

Quels sont les groupes qui définissent les différentes époques que tu as documenté ?
J’ai commencé à faire de la radio en 1989. Du côté francophone, il y avait Idée du Nord, Zéro Degrés Celcius. En anglais, ce serait Eric’ s Trip. Ils ont toujours eu un gros following underground partout au monde. J’ai été en Suède en 1997. Dans un disquaire de Stockholm, j’ai mentionné que je venais de Moncton et les employés m’ont demandé si je connaissais Eric’s Trip. Ils se sont mis à terre et m’ont embrassé les pieds. Les deux jeunes employés étaient des représentants de Sappy Records en Suède et ils étaient renversés parce que je venais de Moncton.

Eric’s Trip

Un peu plus tard, Sloan est le groupe qui a été le plus marquant en anglais. Du côté francophone, Joseph Edgar (ex-leader de Zéro Degrés Celcius) a lancé plusieurs albums. Il y a aussi Les Paiens, le groupe qui est selon moi la soundtrack de Moncton. Ils ont été toujours dans l’arrière-plan, étant les musiciens de Marie-Jo Thério et Mathieu d’Astous. Moi, j’aimais bien Test Tone Channel, dont le chanteur, Kevin McIntyre, a maintenant une carrière solo. Ils n’étaient pas très connus, mais j’aimais ce qu’ils faisaient.

Ces jours-ci, Lisa Leblanc fait sa marque. Je crois que Radio Radio est le groupe qui a laissé sa trace du côté francophone.

Comment perçois-tu le succès de Lisa Leblanc et Radio Radio au Québec ?
C’est d’être au bon endroit, au bon moment. Il y a aussi un cachet avec la différence de la langue, des paroles et des sonorités. Les amateurs de musique du Québec recherchent toujours quelque chose de nouveau.

Pour Lisa Leblanc, le Québec a toujours été fort sur le vieux rock des années 1970. Elle est une grande fan de Heart et Fleetwood Mac et elle a une très belle voix.

Avec Radio Radio, le Québec a embarqué dans leur trip parce qu’ils font quelque chose d’original, dans leur langue. Ils sont restés très intègres. J’adore ce que Lex (Arthur Comeau) fait. Ses beats ne sont pas compliqués, mais très accrocheurs. Ce sont aussi des paroliers le fun. Ce n’est pas sérieux, mais il y a un côté conceptuel que j’aime beaucoup. Sur « Belmundo Regal », ils ne disent pas ouvertement qu’ils sont acadiens, mais tu le ressens. Je crois que c’est une des choses les plus fortes à faire : assumer que tu viens d’un endroit, sans le dire.

Quelle est ton approche en tant que photographe ?
J’ai toujours aimé simplifier les choses, d’y aller plus minimaliste. Quand j’ai commencé à faire de la photographie, je trouvais des choses pures, simples et j’évitais les conflits dans une photo, je cherchais le vide. Par exemple, dans une photo de lampadaire, il y aurait plus de ciel que de lampadaire. Pour la photographie live, j’ai toujours aimé explorer les jeux et les explosions de lumière, le mouvement, pour capturer l’énergie. Les photographes figent un moment de manière très classique, moi j’aime faire une oeuvre artistique avec mes photos de spectacles. Il y a beaucoup d’éclaboussures, de traînées de lumières qui démontrent l’énergie des artistes que je capte.

Tu organises les soirées Indie Pop Night à travers les maritimes. C’est véritablement une belle histoire à succès.
Ça me surprend toujours que les gens viennent à ces événements. Il y a eu une progression depuis que je fais ces soirées, il y a huit ans. Au début, les gens me disaient que le monde ne paierait pas cinq dollars pour venir me voir tourner de la musique indie pop, rock et électro. Moi je perçois ça comme une marque de commerce. Je suis fort sur le look et le marketing et le conceptuel et visuel est aussi important. J’ai un logo, les cercles jaunes, rouges et bleus, des affiches qui sont le fun, où j’intègre des photos de la dernière soirée pour annoncer le prochain événement. Les gens s’y attendent et veulent voir qui va être sur l’affiche. J’apporte aussi des bonbons : lollipops, ringpops, lifesaver pops, n’importe quoi avec le mot pop. Avant, les gens sortaient dans un bar et fumaient. Le bonbon remplace la cigarette et ça donne un effet cool.

J’aime présenter de la bonne musique. Au début, je présentais de la musique plus underground avec des groupes mainstream. Ce n’est pas vraiment Indie Pop, mais Indie meets Pop. Comme Radiohead, Franz Ferdinand avec du Rich Aucoin, Ruby Jean and the thoughtful bees. Je mélange les langues, je fais jouer de la musique de la Suède ou d’ailleurs, c’est un mélange de plein de choses et les gens ont accroché au concept. Je fais des événements dans une ville différente chaque mois, car chaque semaine c’est trop répétitif. Les gens planifient cette sortie. J’ai commencé à Moncton et les gens de Fredericton en ont entendu parler. Ils réservaient une chambre d’hôtel et faisaient la fête dans la ville pendant la fin de semaine. Une fois qu’on m’a invité à Fredericton, ça fait boule de neige ; des étudiants de Charlottetown m’ont invité. Depuis, je vais aussi à Saint John, Sackville et Halifax.

Je suis bien content. J’aime ça accueillir les gens et être inclusif. Je me suis aussi adapté au courant des années, contrairement à beaucoup de DJs. Ça peut devenir très vieux, très vite tout cela. J’ai évolué de son aussi, c’est pour ça que je suis passé du Indie Pop Night au IPN. C’est beaucoup plus large maintenant : du folk, du rock, du pop, de l’électro, de la musique instrumentale, même du Dubstep, mais si je ne suis pas le plus grand fan du genre. Je veux surtout essayer des choses.

J’invite aussi des groupes à venir jouer avec moi. Je suis un grand partisan de la scène live. J’ai reçu Rich Aucoin, Julie Doiron, The Hidden Cameras, la liste est longue.

Est-ce qu’il y a une différence entre les villes où tu fais du DJ ?
Oui, il y a toujours une différence d’énergie. Chaque ville aime une sorte de musique en particulier. Moncton a toujours été fort sur le punk et le rock. À Fredericton, les gens ont une bonne connaissance large de la musique. À Charlottetown, c’est plus ouvert, l’ambiance est très belle.

Tu animes La Photo Sonore à CKUM, la radio étudiante de l’Université de Moncton depuis plusieurs années.
Ça fait 21 ans que je fais de la radio. J’animais Polychromatique et CKUM a accueilli le projet Radio Jeunesse pendant quelques mois à l’occasion du Sommet de la Francophonie, en 1999. J’ai arrêté mon émission et je me suis décidé à monter quelque chose de nouveau. Je voulais faire le lien entre les arts et la musique, montrer mes deux amours. J’ai renommé mon émission La Photo Sonore et je fais des entrevues, je diffuse des groupes de partout sur la planète, surtout de la musique indépendante. Pendant un bout de temps, je faisais surtout jouer de la musique Européenne, particulièrement Scandinave. Aujourd’hui, je suis membre du jury du prix Polaris et je suis un grand amateur de musique canadienne donc j’accorde énormément de place à ce qui se fait ici. Il y a tellement de bonne musique qui sort du Canada.

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