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La Pologne : Redbull et hot dog en tuyau.

La Pologne : Redbull et hot dog en tuyau.

Mathieu Lachapelle est ce genre de musicien qui se donne à fond sur scène. Grand passionné, il faisait partie du défunt groupe de musique Issue Sixteen qui avait trois disques à son actif et parcouru entre autres les scènes de l’Europe. Quelques années plus tard, après avoir mis la musique en second plan, le manque de l’adrénaline de crier ses trippes devant une foule le démange et il forme avec d’autres comparses une nouvelle formation qui se nomme La Querelle. Le projet le mène à retourner sur les routes de l’Europe pour une deuxième fois, 6 ans plus tard. Journal d’un musicien nostalgique.

Hier, on a passé une soirée mémorable dans un squat de punks polonais. Une salle bien comme je les aime, remplie d’affiches sur les murs. J’ai d’ailleurs trouvé dans les toilettes, une vieille affiche d’un concert d’Issue Sixteen, jaunie par la clope, qui date d’au moins 6 ans. Ça ne me rajeunit pas, mais surtout, ça me remémore exactement ce pour quoi j’ai toujours aimé faire des spectacles en Pologne. L’identité de ce pays ravagé par la 2e guerre avait laissé des traces troublantes dans ma tête. Trash à souhait, pauvre, délabrée et désillusionnée, la Pologne est un endroit où tu ne te sens pas du tout comme chez toi, un dépaysement total mais inspirant.

Cette fois-là, en 2004, on circulait en pleine nuit dans notre fourgonnette sur des chemins de terre, à travers des villages abandonnés, détruits et délabrés. Tous des vestiges de la 2e guerre mondiale. Triste réalité, rien n’avait été reconstruit. Sur le chemin, une Jeep de l’armé était stationnée. Le genre de Jeep qu’on retrouve dans les films d’Hitler. Ses phares était allumés, mais aucun chauffeur aux alentours. Le silence froid régnait dans la fourgonnette. Près d’un kilomètre plus loin, nos phares ont percé une silhouette portant une robe d’une blancheur immaculée. Telle une légende urbaine, nous étions les sept musiciens, yeux grands ouverts, ébahis de pouvoir assister à cette apparition inexplicable. Le silence dans le véhicule était devenu morbide. Tranquillement, nous avons croisé le passage de cette dame. Je ne me rappelle plus dans quel village nous étions exactement, mais après ce passage nous n’avons pas revu ce genre de phénomène. Invraisemblable.

Je me retrouve donc six ans plus tard dans la même toilette, lors un voyage sensiblement pareil, à me remémorer les histoires. 2004 me semble comme hier, mais pour la Pologne, les choses ont bien changé. C’est un pays nouvellement entré sous l’Union européenne et les répercussions sur l’économie se sont fait grandement sentir. Il faut dire que la Pologne sortait tranquillement de l’après-guerre depuis des dizaines d’années et du régime communiste qui n’avait pas tellement aidé la reconstruction.

En 2011, tout est bien différent et me fait avoir l’air d’un grand menteur auprès des membres de mon nouveau groupe, qui arrivaient ici équipés mentalement pour négocier avec la police corrompue, se défendre des attaques nazies,  passer des nuits à tourner en rond, faute d’indications sur les routes et peut-être assister à des apparitions nébuleuses. Prosto, prosto (Droite, droite) sont pas mal les seules indications que tu peux recevoir des habitants pour te guider sur la route. Ce n’est donc pas facile de trouver son chemin dans les dédales des routes de terre de la Pologne et à travers des villages délabrés aux pancartes datant des années de l’avant-guerre.

À ma grande surprise, je ne reconnais plus rien! On se retrouve maintenant à circuler sur de longues routes de pavé noir comme le poêle, arborant des lignes blanches qui me rappellent la couverture du film Lost Higway. À chaque 100 kilomètres, on y retrouve une station service hyper moderne, comme on en trouve aux États-Unis. D’énormes néons nous invitent à y faire des escales. Une fois à l’intérieur, je ne reconnais plus du tout la Pologne gravée dans ma tête, mais je constate plutôt l’éventail des breuvages Coke, des différentes sortes de croustilles Doritos et du méga rayon de prêt-à-manger.

-Qu’est-ce que tu prends?

-Je me « pogne » un hot-dog en tuyau et deux Redbull pour la route

Le hot dog en tuyau est un pain dans lequel le commis laisse couler une quantité impressionnante de mayonnaise pour ensuite y enfiler une saucisse. On est bien loin de la pizza au ketchup réchauffé dans le four micro-onde dont j’avais décrite à mes collègues du groupe, une autre histoire de mon expérience passée. Ça me déçoit un peu, j’ai l’impression d’être aux États-Unis, pas dépaysé pour une cenne et je me sens comme chez nous. Je préférais définitivement la pizza au ketchup.

Finalement, l’exotisme que j’avais tant hâte de retrouver est disparu. Peut-être pour le mieux. La Pologne semble maintenant un pays industrialisé à souhait, arborant les enseignes de marques multinationales. La Pologne à bénéficié de l’aide financière des États-Unis, qui en profitait largement pour le positionnement stratégique dans ses opérations militaires en Irak. De plus, l’Union européenne a aussi mis le paquet en Pologne. En y pensant bien, qui peut reprocher à un pays de s’éloigner de son passé pas tellement glorieux?

Je me demande simplement si on ne dénature pas un peu trop rapidement son historique, parce que, moi, en ce moment, je me sens exactement comme sur la route 401 entre Montréal et Toronto…

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