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Le tourisme 2.0 à Montréal

Le tourisme 2.0 à Montréal

En 2009, Tourisme Montréal décide de prendre un virage 100% web au niveau de sa stratégie marketing. Entrevue avec Emmanuelle Legault, directrice des communications chez Tourisme Montréal, rencontré durant l’événement Canada-e-Connect 2010.

Que faites-vous au Canada-e-Connect?
J’ai eu le plaisir de présenter la campagne publicitaire de tourisme Montréal. En 2009, l’organisme a pris un virage 100% Web sur l’ensemble de ses budgets publicitaires. L’année dernière, j’ai eu l’occasion de présenter ce virage. Cette année, je suis venue présenter les résultats de la campagne, c’est-à-dire les apprentissages, les bons et moins bons coups. Je suis aussi venue partager et échanger avec les gens sur l’avenir du tourisme en termes de technologies. On sait que, principalement, les consommateurs vont de plus en plus sur le Web et cherchent des outils plus technologiques lorsqu’ils planifient leurs voyages et arrivent à une destination.

Pendant la conférence, vous avez dit que si vous avez utilisé le Web à presque 100%, c’était à cause de la crise économique et aussi parce que c’était une façon d’aller de l’avant avec les nouvelles technologies. Quels ont été les impacts, tant positif que négatif, du fait d’aller seulement sur le Web?
Bien au-delà de la crise économique et des budgets à la baisse, les tendances en planification sont actuellement extrêmement axées sur le Web. Les voyageurs planifient et font le choix de leurs destinations sur celui-ci. Il y a également cinq ans d’apprentissages, qui ont été réalisés sur l’ensemble des tactiques médias et d’échanges que l’on peut réaliser sur le Web. Ce virage ne s’est pas fait du jour au lendemain, il s’est fait sur cinq ans avec une série d’outils de mesure, tels que les statistiques, les tools de clics sur les bannières et les interactions avec nos consommateurs. Ça nous a permis de faire un virage intelligent, appuyé par une série d’informations pertinentes. Dans le contexte actuel, je suis presque convaincue que les autres CVD et industries touristiques connaissent peut-être des résultats similaires en termes de visites sur leurs sites Web. Dans les bons coups, Tourisme Montréal a, grâce à ce virage, réussi à accroître les visites uniques sur son site de 19.5 %, ce qui n’est pas peu dire. Ce virage nous a permis, au moins, de garder les consommateurs captifs sur le Web et de lui offrir plus d’informations par la suite. Une grosse portion du budget a été investie en Web 2.0. C’est intéressant parce que sur 100% du budget média, 80% a été investi en tactiques publicitaires Web, dont des bandeaux publicitaires, puis 20% a été investi dans des stratégies de Web 2.0., qui consistent à engager des blogueurs qui bloguent sur Montréal, et qui sont présents sur les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook, Youtube, etc. Ceux-ci vont faire connaître la ville à l’aide de ces outils et vont pousser du contenu sur d’autres sites. Nous croyons fortement, chez Tourisme Montréal, que l’avenir sera de pousser un plus grand contenu sur d’autres sites Web. Ces blogueurs nous ont permis de commencer à avoir ce type d’approche et de vivre un peu avec certaines des conséquences. Quand on parle d’investissement média, l’inverse est également vrai; 80% des efforts que notre agence de marque et nous avons faits est allé sur la gestion et la coordination des stratégies Web 2.0 et la coordination des blogueurs. Ça a été un gros apprentissage parce qu’on croyait que ce serait une bonne campagne, qu’on pourrait focusser et maximiser notre temps sur d’autres choses. Ça a pris tellement de temps de gestion et c’est un aspect que nous avions au départ sous-estimé. Ceci dit, cette campagne nous a permis d’agrandir notre empreinte digitale, d’être partout sur la toile avec de belles histoires au sujet de Montréal et de ramener les consommateurs dans un contexte où ils vivent une expérience et non pas où ils interagissent. C’est nous qui allons les chercher et qui les amenons à interagir. Dans les moins bons coups, j’ai parlé, entres autres, de la notion du temps investi, mais aussi du fait qu’ils sont des êtres humains et non pas des machines. Ce type de campagne n’est plus un sprint, c’est un marathon. Dans une campagne publicitaire traditionnelle, je planifie les PEB (Population-Environment Balance) et les médias, je fais tous les livrables et une fois que c’est fait, je passe à autre chose. C’est mon sprint; pendant un mois ça va être la folie pour sortir le matériel. Dans une campagne Web 2.0, avec des blogueurs, c’est un marathon continu. Il faut gérer les moins bons coups qui ne représentent pas bien la destination, tout en respectant l’authenticité, la perception ou la notion que le blogueur possède sa propre façon de communiquer Montréal.

Les blogueurs sont très importants, puisqu’ils sont nombreux à écrire. Est-ce que vous avez une politique selon laquelle il ne faut pas dire certaines choses sur Montréal, une politique de restriction de contenu?
Il n’y a pas réellement de politique éditoriale. C’est sûr que, dès le début, on a briefé les blogueurs sur notre marque et sur comment, en tant qu’organisation, on communique Montréal. Mais on demeure également extrêmement respectueux de leur propre vision de la ville. Si nous ne faisons pas ça, nous passerions à côté de la notion d’authenticité. Il n’y a pas de guide éditorial; en fait, s’il y en a un, il porte surtout sur comment rédiger sur le Web pour optimiser sa présence. Nous n’avons pas un type d’approche de « dis ça, mais ne dis pas ça ». Lorsqu’ il y a eu des commentaires par des consommateurs, nous ne les avons pas censurés, sauf s’ils n’apportaient aucune valeur ajoutée. Nous n’avons fait aucune censure de commentaires négatifs.

Comment l’industrie touristique de Montréal a pris ce virage? Est-ce qu’elle est habituée à l’économie de papier, de même qu’à l’utilisation d’Internet? Tout à coup, il y a des gens qui sont libres de dire ce qu’ils veulent de Montréal. Comment l’industrie a-t-elle pris ça?
Ce qui est drôle, c’est que l’industrie est habituée de se voir. Quand on arrête de faire du marketing traditionnel, tout à coup, on ne se voit plus dans les magazines, sur les panneaux d’affichage et à la télévision. Il y a quatre ans, lorsque l’on a pris ce virage Web, l’industrie ne se voyait plus et elle était inquiète parce que, normalement, on essaie de faire du géo-ciblage et d’optimiser nos stratégies pour parler à nos consommateurs. Tout d’un coup, on se demandait où allaient les dollars investis dans la campagne; on ne se voyait plus et on trouvait ça illogique. À l’aide de statistiques et de mesures très serrées, nous avons pu démontrer que l’ensemble des stratégies réalisées étaient pertinentes et fonctionnaient très bien avec nos objectifs d’affaires, pour nous, en tant qu’organisation et membre de tourisme Montréal. Pour le Web 2.0, il y a eu des ratés, comme le fait de devoir gérer, parfois, qu’une personne aurait préféré qu’on ne parle pas d’elle de cette façon. Mais l’industrie est de plus en plus ouverte, elle comprend ces réalités et les accepte. Des trip advisers de ce monde, il y en a depuis plusieurs années. Ils le vivent au quotidien. Ils préfèrent donc que la représentation de leur produit soit faite par quelqu’un qui pourra bien raconter l’histoire. Ça s’est très bien passé au niveau de l’industrie; elle a même trouvé que tourisme Montréal était très innovateur dans ses approches. Elle nous a appuyés dans l’ensemble des stratégies.

Y a-t-il eu plus de touristes à Montréal suite à ces stratégies de marketing?

C’est le bout qui est un peu plus malheureux parce qu’aucune destination n’a connu de hausses en termes de touristes dans la ville. Par contre, on ne s’en est pas si mal tiré et on a quand même réussi à créer et à continuer un buzz sur la destination. Ça a été une stratégie très porteuse cette année, à court terme, puisque que les gens devraient recommencer à voyager en 2010 et pour les années futures.

Au sujet des applications que vous voulez mettre en place, par exemple pour le iPad de Apple qui est sorti hier, est-ce que Tourisme Montréal va adopter une stratégie pour développer plus d’applications de booking d’hôtels et de voyages? Est-ce que le iPad va vous donner l’occasion d’aller chercher une plus grande clientèle?
Notre site est transactionnel depuis le mois de décembre. On a certainement l’ambition de pousser ces transactions sur d’autres sites et on va travailler là-dessus pendant les deux prochaines années. On met en place un plan de TI (Technologies de l’information) pour les trois prochaines années, afin de s’assurer qu’on sera sur l’ensemble des outils de communication, comme le Web ou les téléphones intelligents, etc. Comme toute l’industrie, on est actuellement à l’étape de l’analyse. On regarde le coût bénéfice et il n’est pas encore là. Développer une application qui va coûter 100 000 dollars, comme certaines destinations ont fait, mais qui en bout de ligne sera vu par 2% des consommateurs, ce n’est pas encore justifié par le coût bénéfice. Ceci dit, on est convaincu qu’à moyen et à long terme, il faut absolument qu’on soit présent. À Tourisme Montréal, notre objectif a toujours été d’être innovateur dans nos approches. Idéalement, on voudrait être parmi les premiers à créer des outils pertinents pour les besoins des consommateurs et s’assurer que ces outils vont rester innovateurs. On est actuellement en train de développer une stratégie là-dessus et j’espère que dans deux mois on pourra en parler ouvertement.

Les sites de tourisme que l’on retrouve sur Internet sont surtout fréquentés par les jeunes, les hommes d’affaires et les familles qui vont en voyage. Les personnes du troisième âge utilisent Internet depuis relativement peu de temps. Pour Tourisme Montréal, est ce qu’il y a une stratégie pour aller chercher les gens du troisième âge, les baby boomers qui veulent voyager à Montréal?
Ce sera grâce à des stratégies de contenu, tout en veillant à mieux répondre à leurs besoins spécifiques, qu’il sera possible de les rejoindre. Ceci dit, il est vrai que les personnes du troisième âge sont un peu moins présentes sur le Web. Par contre, quand on regarde sur Facebook, les early adapters ont plus de 55 ans et représentent une plus grosse proportion des utilisateurs de Facebook que les plus jeunes. C’est à leur avantage d’être présents sur le Web, parce qu’ils auront peut-être plus de temps pour apprendre que nous, qui sommes encore sur le marché du travail et qui jonglons avec notre boulot, la famille, les amis tout en tentant de vivre avec les nouvelles technologies.

Que se passera-t-il en 2010? Vous avez eu à peu près cinq ans pour voir où vous alliez. En 2010, serez-vous encore à 100% sur le Web?

En 2010, comme on l’a démontré, les résultats sont là, alors on va continuer à avoir le même type d’approche en termes de tactiques de conversion. Ça va rester 100% Web. On va continuer à travailler avec des blogueurs sauf qu’on va y ajouter des composantes de blogueurs invités et d’éditeur en chef. Celui-ci sera responsable de plusieurs types de contenu et de façons différentes de raconter l’histoire de Montréal. Cela va nous permettre d’aller chercher des contenus plus pertinents. Par exemple, je ne pense pas que nos blogueurs soient habitués de s’adresser aux gens du troisième âge. En faisant appel à des blogueurs invités, ça va nous permettre d’avoir des contenus plus spécifiques aux besoins de cette clientèle. Donc, on reste 100% Web, mais on va quand même réserver une petite enveloppe budgétaire pour essayer de créer certains stunts et du buzz autour de ce 100% Web. Par exemple, on va tenter d’amener plus de gens à visiter notre site et on va les inviter à devenir fan de nos blogueurs. Nous aurons de petits budgets réservés pour ces stunts. Un exemple peut être celui que notre blogueuse Stanny a réalisé en allant chercher Gary Vaynerchuk, avec ses 800 000, 900 000 followers sur Twitter et en l’amenant à Montréal pour qu’il y fasse le lancement de son livre. Pour nous, c’est un excellent exemple de stunt parce que ça a créé du buzz auprès de sa clientèle, ce qui nous a permis de parler à 800 000 personnes qui ne nous auraient peut-être jamais écoutés avant. Parce que Vaynerchuk leur raconte son histoire de Montréal, ça la rend beaucoup plus intéressante à leurs yeux. C’est ce type de budget, qui n’est pas traditionnel, que l’on va essayer de maximiser en 2010.

tourisme-montreal.org

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