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Ruby Brown: mannequin

Ruby Brown: mannequin

Photo: François Brunelle – Himagia.com

Tout a commencé à l’âge de 15 ans, lorsque je me suis fait offrir dans la rue de devenir mannequin. Dans ma tête, c’était bien clair que ça arriverait à un moment ou à un autre. Quand j’ai eu l’accord de mes parents, je suis partie à Paris.

Qui êtes-vous et que faites-vous?
Tout a commencé à l’âge de 15 ans, lorsque je me suis fait offrir dans la rue de devenir mannequin. Dans ma tête, c’était bien clair que ça arriverait à un moment ou à un autre. Quand j’ai eu l’accord de mes parents, je suis partie à Paris. Puisque ma mère est enseignante, c’est elle qui m’a enseigné jusqu’au cégep. Puis, je me suis installée à Paris à temps plein pendant cinq ans; j’y ai fait ma vie et j’y ai rencontré mon chum, mes amis, la totale. Par la suite, le mannequinat m’a amenée à découvrir plein de pays, notamment le sud de la France. Là-bas, j’ai suivi une formation à Grasse, capitale du parfum, d’où vient le fameux livre Le Parfum de Patrick Süskind. J’ai participé à plusieurs ateliers qui ressemblent beaucoup à ce que je fais aujourd’hui. J’ai pris le meilleur de chacun pour créer Essence Workshop, un atelier de création de parfums personnalisés.

À quinze ans, vous marchez dans la rue et quelqu’un vous arrête. Qui est-il et pourquoi il fait ça?
C’était Thierry Tally, président de l’agence Next située à Montréal, une agence de mannequins qui commençait à l’époque et qui maintenant est l’une des plus grandes au Québec. ( Je suis maintenant représenté par Montage Models). Je me suis retrouvée, en l’espace de quelques mois, à Londres. Je ne parlais pas anglais. Mon nom étant Ruby Brown, c’était donc un peu paradoxal, et j’ai alors appris l’anglais. À mon retour à Montréal, j’ai décidé d’arrêter l’école et de me consacrer à temps plein au mannequinat, avec tous les rêves et toutes les promesses que cela apporte. J’avais la chance d’avoir une mère enseignante qui m’a enseigné. Puis j’ai déménagé officiellement à Paris en 2001. J’y ai passé cinq ou six ans. C’est le fait d’habiter à Paris qui m’a amenée à voyager un peu partout en France, notamment à Grasse.

Quand on est si jeune et qu’on commence à travailler comme mannequin, on est confronté à ce genre de mode de vie et on réalise les rêves que toutes les filles ont à quinze ans quand elles regardent les magazines. Vous avez eu une éducation privée et personnalisée. Comment avez-vous vécu le fait de ne pas vivre la même vie que tout le monde? Avez-vous vécu une période rebelle?
Mes parents aiment dire que ma période rebelle, je l’ai vécu de sept à dix ans, parce que j’ai le syndrome de l’enfant du milieu. On est trois filles à la maison. J’ai deux sœurs très studieuses, tandis que j’ai toujours eu de la misère à l’école parce que je suis très autodidacte; j’ai toujours été attirée par des choses un peu bizarres et différentes. Mes parents l’ont compris très vite; j’ai fait des écoles alternatives et j’ai eu la chance d’avoir une famille qui m’a encadrée. C’est ce que je dis aux jeunes filles qui veulent être mannequin aujourd’hui. Même si vous avez des parents qui sont là pour vous supporter, je conseille quand même de ne pas commencer avant 18 ans, parce qu’il n’y a pas de presse et que ce n’est pas vrai qu’on devient top modèle à 16 ans. Les mannequins que l’on a connus dans les années 80 et 90, celles dont on connaît le nom comme Claudia Schiffer et compagnie n’existent plus parce que le marché n’est plus le même. Depuis on est passé au film au numérique; il y a eu une révolution dans le monde de la mode. Il y a eu l’arrivée des brésiliennes, des filles de l’Europe de l’est qui n’avaient pas nécessairement les mêmes standards que les québécoises, qui nous, voulons de beaux appartements, une belle qualité de vie.

Parce que les québécoises sont plus exigeantes?
Oui, parce que le mannequinat, derrière la vie glamour, ça apporte aussi des appartements de mannequins avec huit filles. Souvent c’est huit petits bump beds les uns par-dessus les autres. C’est assez particulier; il faut travailler fort avant d’arriver à quelque chose. Il faut de la persévérance et être encadré mentalement. J’ai eu la chance d’avoir des parents extraordinaires, une famille hippie, peace and love avec des sœurs que j’adore. Ça m’a permis de le faire encore aujourd’hui et de rester dans le milieu toutes ces années.

Y a-t-il quelque chose que vous auriez changé par rapport à ce que vous avez fait?
J’aurais commencé plus tard pour avoir un petit chum au secondaire et passer par les étapes normales de la vie. Mais en même temps, c’est sans regret. Aujourd’hui j’ai vingt cinq ans et je démarre ma propre entreprise parce que j’ai géré ma carrière toutes ces années. Donc, ça m’a quand même apporté beaucoup.

Dans le mannequinat, il y a eu une période où les modèles québécoises étaient très populaires. Vous êtes arrivée dans le milieu à ce moment-là. Comment ça se passe, les modes de pays?
C’est vrai qu’il y a des modes et des tendances dans la mode. Il y a eu la tendance brésilienne il y a quelques années, après c’était l’Europe de l’est, puis les québécoises canadiennes; on pense à Erina et à Daria. J’ai eu de la chance parce que je ressemble un peu à Daria, ce qui m’a permis d’attraper des petits contrats pour cette raison à un dixième du prix. J’avais une belle gang de quatre ou cinq copines québécoises à Paris, puis on était une dizaine à New-York. On rayonne bien sur le marché de la mode.

Ça vous a permis de beaucoup voyager?
J’ai presque fait le tour du monde.

Nommez des endroits qui vous ont le plus marquée?
Ma ville fétiche est Brooklyn, à Williamsburg, sur l’île de Manhattan, où j’ai passé environ un an. C’est mon coup de cœur, parce que c’est un peu comme le SoHo il y a vingt ans. À SoHo, maintenant, il n’y a plus rien d’autre que des cafés Starbuck, alors qu’à Williamsburg, au tout début de Brooklyn, il y a encore les quartiers typiques polonais et juifs. C’est vraiment intéressant. Il y a toute une scène arts underground où j’ai donc pu retrouver une qualité de vie. Quand je suis arrivée à New-York, j’ai habité dans le Financial District et je ne comprenais pas pourquoi tout le monde voulait habiter à New-York. Je trouvais ça poche. Mon appartement coûtait cher, il y avait des coquerelles, je suis propre et je n’aimais pas ça! Ce sont les essences qui m’ont emmenée en Inde et c’est le mannequinat qui m’a fait passer par Londres, Milan et par les plus grandes capitales.

Est-ce qu’il y a des endroits qui vous auriez aimé voir et que vous n’avez pas vus?
Je ne suis jamais allée au Japon. Peut-être qu’éventuellement le mannequinat m’y emmènera, mais l’Asie m’a toujours fait peur pour le travail, parce que les divers pays, comme tels, sont un choc à la base. Chaque chose en son temps. Je préfèrerais y aller une première fois, puis éventuellement y retourner pour faire du mannequinat.

À propos des croyances populaires concernant le mannequinat, telles les règles sévères sur la nutrition, devoir être en forme et en santé et le fait que certaines exagèrent dans ces domaines, est-ce qu’avoir une famille très présente vous a beaucoup aidé à ne pas tomber dans ces extrêmes?
C’est vraiment la base parce que j’ai eu des copines qui sont tombées dans la drogue et la malnutrition, etc. Si on reste à Montréal, ce n’est pas une réalité à laquelle on est confronté, mais si on part dans les grandes capitales comme Milan, Paris ou Londres, on sera plus confronté aux excès. Il y a beaucoup de pression et c’est un peu différent parce qu’il y a les filles de défilés et les filles « commerciales ». J’ai toujours été « commerciale » malgré moi parce que j’étais trop petite pour faire les défilés. Je n’ai donc jamais eu à arrêter de manger trois mois avant les shows, ces fameuses périodes qui deviennent très obsessives, qui peuvent mal virer. J’ai toujours eu un profil fit nature. Je suis une fille un peu grunge, beau reflet de ma personnalité, ça a été bien à ce niveau. Bien sûr je m’entraîne et je fais attention, mais sans plus.

Ce sont donc celles qui font les défilés de modes qui sont plus propices à ce genre de dépression?
J’aurais tendance à dire ça. Ça me fait beaucoup rire parce que ces dernières années, on dit qu’il y a beaucoup de changements dans le monde de la mode, on n’accepte plus les filles trop jeunes et trop minces, etc. Mais ce n’est pas la réalité. Avant que ça arrive, je ne serai plus mannequin. Je pense que toute la génération qui est là en ce moment ne sera plus mannequin non plus, parce qu’il faut partir de beaucoup plus loin. Il faut rééduquer les gens et l’œil des gens, l’œil des dames qui veulent voir des mannequins très minces. C’est vraiment toute une rééducation qui est à faire. Si les designers font des vêtements trop petits, le mannequin ne rentrera pas dedans. Tout est relié, c’est comme n’importe quoi.

Même si les gens se plaignent que les mannequins sont trop maigres, ils aiment ça dans le fond?
À quelque part oui. C’est le magazine Clin D’œil qui pourra vous le dire. Ils ont mis une femme un peu plus ronde sur une couverture et c’est celle la moins vendue, parce que ce n’est pas un beau mannequin svelte dont on a l’habitude de voir. Je pense qu’il faut rééduquer le consommateur.

Vous disiez que vous êtes bien à l’aise d’être mannequin en vieillissant?
Déjà, tout ce qui est un peu extrême comme ça, ce sont des métiers de passion, donc il faut aimer ça. Sinon, ça ferait longtemps que je ne ferais plus cela. Si tu n’aimes pas ça, tu ne peux juste pas le faire parce que ce sont des conditions souvent extrêmes, comme être loin de sa famille. Je parle de beaucoup de facteurs chocs différents. Et puis, en étant blonde avec des petits yeux verts, je suis ce qu’on considère une beauté classique. Je peux être amenée à le faire. Déjà j’aime ça, et éventuellement, je me vois très bien faire des crèmes antirides dans ma jeune quarantaine, de même que des trucs de femme enceinte quand je serai enceinte. Je vois tout on the side.

Est-ce qu’il y a un moment dans votre vie ou un certain âge où vous pensez arrêter et faire autre chose?
D’ailleurs, je vais toujours faire d’autres choses, parce qu’il le faut pour être stimulé, même si ce sont des petites choses. Je ne pense pas être mannequin à temps plein toute ma vie.

Vous ne faites pas du mannequinat à temps plein?
Non. En fait, je suis disponible à temps plein, je peux donc être amenée à partir en voyage. Mais je suis basée à Montréal, ce qui fait en sorte que je ne travaille pas tous les jours avec le mannequinat, parce que le marché montréalais est très petit. Ce qui me laisse amplement de temps pour développer Essence Workshop.

En parlant du marché qui est petit au Québec, comment ça se vit? Est-ce qu’il y a trop de mannequins pour les besoins?
Je ne pourrais pas dire, mais déjà je pense que le premier facteur est que les québécoises sont très belles. Effectivement, il y a de très beaux mannequins au Canada, mais surtout au Québec. Forcément, l’offre et la demande ne sontt pas comparables à celle du marché américain. À New-York, il y a de la job à tous les jours, il y a des shootings et des clients réguliers. Ce n’est pas nécessairement le cas à Montréal. La plupart des mannequins montréalais sont aux études ou ont d’autres occupationss.

Vous avez fait du business aux États-Unis, en Europe et ici. Tout le monde fonctionne de façon différente, notamment à cause des cultures. Est-ce qu’il y a une place où vous êtes moins à l’aise de travailler? Pourquoi?
Il y a certaines places où je n’irai plus jamais. Les italiens ne me reverront plus je pense! Ton booker devient ton allié, ton agent, celui qui te dit d’être belle et gentille ou méchante en allant au casting. C’est celui qui te guide dans un marché que tu ne connais pas. Avoir un bon booker c’est la base de la réussite. J’ai eu la chance d’en avoir des bons à Paris et à New-York.

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