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Métier artiste: l’envers du décor d’Emmanuel Galland

Métier artiste: l’envers du décor d’Emmanuel Galland

Ce sont des rencontres avec des artistes en arts visuels. Qu’ils viennent de la performance, de l’installation, de la peinture ou de la sculpture, mon but est de parler de leur situation économique. Je veux faire connaître aux lecteurs la situation d’emploi des artistes d’ici et la précarité que certains d’entre eux peuvent vivre. Sujet presque tabou, mais crucial. Voici donc l’occasion de découvrir des artistes d’une autre manière.

En venant à ma rencontre, Emmanuel Galland me confie avoir réfléchi au fait qu’il ne voulait pas donner aux lecteurs une vision trop négative du métier d’artiste. Attablés autour de boissons estivales rafraîchissantes, nous avons échangé en toute honnêteté sur son cheminement. 

Arrivé à Montréal à la fin des années 80, cette année marque la moitié de sa vie vécue ici au Québec. Tour à tour, Emmanuel incarne plusieurs rôles; il est artiste, commissaire et travaille comme consultant en culture et communications. Il commence sa carrière d’artiste en 1994, alors qu’il est encore aux études à l’Université de Montréal en arts plastiques et en histoire de l’art. Sa pratique oscille autour du médium photographique. Deux ans plus tard, il réalise son premier mandat à titre de co-commissaire, invité par David Liss, alors directeur du défunt Centre des arts Saidye-Bronfman, où il invite Jérôme Fortin, Mathieu Beauséjour et Chloé Lefebvre. Il découvre que ce rôle lui permet d’explorer d’autres facettes liées à la création. Il affirme: « Je connais l’envers du décor et je sais ce qui est reproché aux commissaires. » Il s’efforce donc toujours de respecter l’intégrité du travail des artistes.

Au début des années 2000, il a le vent dans les voiles. Les prix et les articles s’enchaînent, il est une des saveurs du moment en arts visuels à Montréal. La notoriété qu’il acquiert est alors toute nouvelle pour lui. Les gens le contactent et il accepte les propositions. Il a peur de refuser et de tomber dans l’oubli: « Tu deviens un “Yes Man”. » Il s’engage à siéger à titre de président sur plusieurs conseils d’administration, dont celui du Centre CLARK et de MUTEK. Mais une période sombre succède à ces années lumineuses; l’épuisement professionnel lui impose un arrêt. Cette pause forcée de plusieurs années découle d’un horaire de travail surchargé par du bénévolat et de nombreux contrats épars. Il me confie: « Je me considère très chanceux: j’ai toujours été bien entouré. Et cela m’a sauvé la vie plusieurs fois avec mes parents qui ont donné un coup de main dans les moments « chauds ». » Aujourd’hui encore, après 20 ans dans le milieu de l’art, il a toujours ses dettes d’études impossibles à rembourser et sa situation d’emploi demeure précaire. Il se demande ce qu’il pourrait faire d’autre. Mais Emmanuel réalise que peu de professions permettent aux gens de s’accomplir pleinement comme la carrière qu’il a choisie.

Ce printemps, à titre de commissaire, il a présenté à la Maison de la culture de Longueuil la mouture de l’exposition PEUT MIEUX FAIRE – Cahiers d’exercices. Au cours des différentes éditions partout au Québec, il a créé de nombreuses scénographies différentes autour de la réinterpréation du Cahier Canada Hilroy. Ce projet d’exposition est un véritable succès depuis ses débuts en 2009: « Un succès, c’est beaucoup de refus. Chaque réussite est beaucoup de travail et le travail ne mène pas nécessairement à un accomplissement. »

À l’âge où certains pensent à un plan de retraite, Emmanuel réalise qu’il n’a accumulé que des oeuvres d’art, celles de collègues entre dons et trocs. Ses revenus sont aléatoires et peuvent changer drastiquement d’une année à l’autre, pouvant aller du simple au double et vice versa. « Avant j’étais un jeune naïf, maintenant je suis un vieux naïf. » Il vivote encore d’un contrat à l’autre, mais aujourd’hui il sait mieux départager les risques et investissements d’un contrat à l’autre. D’ailleurs, il sera le commissaire de la 4 édition de la Foire en art actuel de Québec, qui se déroulera en novembre de cette année. Gageons que nous risquons d’être charmés une fois encore par cet homme aux mille talents.

Pour découvrir Emmanuel Galland:

Familiarités”, exposition collective de la commissaire Madeleine Forcier, Fondation Molinari
du 22 septembre au 20 novembre 2016

Foire en art actuel de Québec – FAAQ, 4e édition
du 24 au 27 novembre 2016

PEUT MIEUX FAIRE – Cahiers d’exercices

Ci-haut, une capsule vidéo de la version en tournée sur l’île de Montréal à la maison de la culture de Côte-des-Neiges (2015)

Les photos de l’exposition Peut mieux faire – cahier d’exercices à Longueuil, par Jean-Michael Seminaro sur Baron

Rituel festif, Portraits de la scène rave à Montréal de l’artiste Caroline Hayeur.

Commissaire: Emmanuel Galland, aussi co-éditeur du livre avec l’artiste et avec Nora Ben Saâdoune

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