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Retour sur les « Quartiers de printemps »

Retour sur les « Quartiers de printemps »

Étant de la première édition glaciale mais géniale des Quartiers d’hiver (vidéo ici), j’avais décidé de retourner à Rouyn coûte que coûte pour assister à la deuxième mouture du FME hivernal, qui s’est avéré plus printanier qu’autre chose. Compte-rendu.

Après une journée sans histoire à parcourir la 15 puis la 117, nous sommes arrivés jeudi après-midi dans Noranda sous un ciel bleu, à temps pour profiter du triple vernissage à L’Écart, lieu d’art actuel dynamique dont on vous faisait un portrait plus approfondi l’an dernier. Voyez notre compte-rendu des trois expositions aussi différentes que riches ici.

Le coup d’envoi musical était donné à l’Agora des arts, ancienne église reconvertie en salle de spectacle à l’accoustique fort enviable, dans une soirée sous le signe du folk et de la féminité.

Beyries, Amélie de son prénom, y brisait doublement la glace: première de la grille-horaire, c’était également son premier spectacle professionel… à vie. Un bel exemple d’audace de la part des programmateurs du festival, qui ne l’ont pas regretté: la voix de la chanteuse se suffit à elle-même: à la fois douce et puissante, enveloppant le public et lui distribuant quelques frissons au passage, un peu comme Safia Nolin peut le faire, bien que les comparaisons avec la musicienne de Limoilou s’arrêtent ici. Sa chanson Soldier, à la fragilité lumineuse, a déjà été utilisée pour certaines scènes de série et de court-métrage. Beyries a présenté ses pièces en formule duo, alternant entre la guitare et le piano, devant un public généreux et attentif, nous rappelant comme à chaque passage à quel point la qualité d’écoute peut être magique à Rouyn.

Les têtes d’affiche de la soirée étaient les (demi-)soeurs Wainwright, Martha et Lucy. N’ayant pas grandi ensemble mais ayant été toutes les deux élevées par leur mère musicienne (respectivement Kate, des soeurs McGarrigle, pour Martha, et Suzzy du trio folk The Roches, composé des soeurs du même nom, pour Lucy). Toutes deux vêtues de robes aux mêmes rayures roses et vertes pour renforcer le sentiment familial, Lucy et Martha ont principalement présenté des pièces de leur album Songs in the Dark, des berceuses aux paroles qu’elles qualifient en riant d’un peu glauques. Le résultat, très doux, un peu pastoral, était touchant. Les quelques chansons tirées de leur répertoire respectif nous ont donné envie d’un peu plus de la fougue de Martha, qui nous a régalé d’une reprise d’Ayoye d’Offenbach en rappel, et qui sortira un quatrième album solo plus tard cette année. Un concert apaisant et rigolo.

La soirée s’est terminée avec un gros contraste au Cabaret de la dernière chance, avec un concert sur les stéroïdes de Random Rancipe, le tout dernier pour l’album de la tournée Kill the hook. Une façon symbolique de clore ce chapitre qui aura duré trois ans, là où l’album a été lancé. La salle était étonnamment pleine pour un jeudi soir, énergique au possible autant sur la scène que dans la foule. On ne sait toujours pas où Fab et Frannie trouvent leur énergie pour bouger autant pendant un spectacle (et se produire le lendemain matin devant des élèves du secondaire), mais on suspecte que l’amour du public y est pour quelque chose. Noranda s’est réveillée très lentement le lendemain matin, signe qu’on ne sort pas indemne des prestations de cette formation particulièrement généreuse.

Tout au long du festival, les spectacteurs pouvaient compter sur un marché éphémère dans le sous-sol du Petit Théâtre du Vieux-Noranda, tenu encore une fois à l’initiative d’Éric Raymond de Joubec. Comptant sur le retour du barbier Franz Authentische, dont la chaise jaune a vu beaucoup de jeunes hommes passer, et de l’atelier de sérigraphie artisanale Deathproof, l’expérience était notamment bonifiée par une foire de vinyles usagés, le tatoueur local Cabal Tattoo, qui était justement à l’oeuvre notre de notre passage, et Vroom, un atelier-boutique situé à La Sarre qui oeuvre en réinsertion sociale. 

Vendredi soir, soirée à l’offre la plus diverse: les spectateurs avaient le choix entre soirée hip hop, avec le rappeur local Matthew James, le retour de Sans Pression et Loud Lary Ajust pour mettre le feu aux poudres en fin de soirée, soirée humour avec la sensation locale Les Volubiles qui tenaient une soirée musique, ou encore une soirée rock avec Maude Audet, Simon Kingsbury et Dumas. Nous avons choisi la dernière option, encore une fois à l’Agora des Arts.

D’abord, la douce Maude Audet, dont les inflexions vocales rappellent parfois Ève Cournoyer, présentait les pièces de son album Nous sommes le feu. Une belle prestation devant un public assez tranquille mais tout ouïe pour la première présence au festival par la chanteuse, qui était notamment accompagnée de Navet Confit, qui signe la réalisation de son disque.

Suivait Simon Kingsbury, lui aussi à sa première visite, qui a présenté les pièces de son Pêcher rien tout neuf avec une forte présence. Entouré de musiciens chevronnés, le chanteur a su livrer ses mélodies avec la juste dose rock qu’elles méritaient.

A suivi Dumas, qui était fort attendu. Malgré que la vie nous avait éloignés de la carrière du très prolifique chanteur, on a pu constater que celui-ci n’a rien perdu de son charisme et qu’il anime une foule comme peu de gens réussissent à le faire. Il a réussi à faire danser l’Agora des arts en entier malgré les sièges, en commençant par faire bouger les épaules alors que les éclairages se faisaient intimes puis en multipliant les renforcements positifs pour le public du « Stade olympique de Rouyn ». Il n’a pas négligé la rivalité intermunicipale en mentionnant les Foreurs de Val-d’Or, et même procédé à un changement de costume (rien comme un veston en léopard pour finir d’allumer la foule!). Par sa générosité, Dumas remporte le titre de Bête de scène en chef des Quartiers d’hiver 2016, et démontre qu’il est toujours un artiste pertinent en 2016, capable d’actualiser ses succès-souvenirs comme Je ne sais pas, Miss Ectasy ou encore Linoléum.

On s’est ensuite dirigé vers le Cabaret de la dernière chance, qui accueillait l’univers envoûtant d’Organ Mood. Malgré des difficultés techniques en cours de concert, la magie du duo psychédélique a opéré. Les projections colorées de Mathieu Jacques, doublées des rythmes poétiques et enveloppants de Christophe Lamarche-Ledoux ne manquent pas de plonger le public dans une transe dansante peu importe où le duo passe.

Déjà samedi et la soirée qui nous excitait le plus le poil des jambes: un doublé Plants and Animals et Suuns, qui présentaient chacun les pièces de leur album à venir, dans notre quartier général l’Agora des Arts.

Plants and Animals, dont les mélodies étaient enrichies par la présence d’un bassiste et d’Adèle Trottier-Rivard aux claviers et harmonies, a donc joué les pièces de Waltzed in from the Rumbling, qui paraîtra le 29 avril prochain. Qu’il était bon de voir sur scène Warren C. Spicer, Nicolas Basque et Matthew Woodley, tous d’excellents musiciens, après une brève apparition à M pour Montréal. Les nouvelles pièces, à la fois mélodiques et complexes, gagneront à être réécoutées plusieurs fois pour êtres appréciées à leur juste valeur, mais l’excellente No Worries gonna find us occupe déjà une partie de notre cerveau, tournant en boucle dans son coin de tête. Il n’y a pas de date d’annoncée pour l’instant à Montréal, mais ça ne saurait tarder.

Suuns a suivi avec ses nouvelles pièces tirées de l’album Hold/Still, qui s’annoncent plus électronique et expérimental que son prédécesseur Images du futur, demandant un peu plus d’efforts de la part des spectateurs mais néanmoins très satisfaisant. La salle s’est un peu vidée au cours du spectacle, mais la trentaine de fans enthousiastes qui sont restés jusqu’au bout ont été remerciés d’un rare rappel de la formation. Un morceau de festival qu’on garde dans notre poche arrière avec bonheur.

Festival qui s’est terminé pour nous lors du « plus long set de l’histoire » d’Avec le soleil sortant de sa bouche, une sapré belle pièce de la programmation. Les rythmes répétitifs et dansants de Zubberdust! ont empli le Cabaret de la dernière chance, et le quatuor a livré avec aplomb ses mélodies. Avec la volonté d’attraper un bout de la performance des Hôtesses d’Hilaires, qui se produisaient deux soirs de suite au Diable Rond, on a été cloué sur place, les genoux et les épaules obéissant aux rythmes de la bande d’excellents musiciens.

Après un court passage à l’hôtel et une nuit écourtée par l’heure avancée, nous avons retraversé le parc et refait la route vers Montréal, les oreilles repues et le coeur comblé jusqu’en septembre prochain. 

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