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Orkestar Kriminal | « Il faut que ça soit louche! »

Orkestar Kriminal | « Il faut que ça soit louche! »

Pour Orkestar Kriminal, la chanteuse Giselle Webber et les sept autres musiciens qui composent le projet revisitent des chansons datant de la période d’entre-deux-guerres. « Il faut que les chansons parlent d’un crime quelconque. Il faut que ça soit louche, là » explique Webber au téléphone, sa voix contenant à peine son enthousiasme débordant.

Webber s’active avec le printemps, mi-jonquille mi-tank. En plus d’avoir relancé son projet franco Gigi French en début de semaine, c’est aujourd’hui un premier long jeu complet pour son projet de musique interlope, Tummel (signifiant chaos en yiddish), qui paraît sur étiquette Sainte Cécile.

Du turque à l’espagnol en passant par le grec, il n’y a pas une langue qui arrête la femme d’origine anglophone s’exprimant dans « le français de Marjo ». D’abord pour rester fidèle à l’origine des chansons, ce choix est également politique: « C’est une question de sortir des deux solitudes, de tout ce vieux débat sur l’anglais et le français. » Le projet ne comprend donc aucune chanson dans les deux langues officielles.

Cette aventure linguistique a nécessité beaucoup de travail et bien des rencontres. Pour les langues dont elle ne lisait pas l’alphabet, le grec par exemple, la chanteuse a eu recours à la voix robotisée de Google pour déchiffrer les sonorités. « Mais après ça, je suis allée voir les vieux papis dans Parc-Ex pour [m’]améliorer. Ça me prend toujours un p’tit prof », confie la femme qui prend très au sérieux la tâche d’interpréter les chansons parfaitement. « On chante des chansons qu’un certain secteur de la population connait, et c’est le genre de personnes qu’on veut pas faire chier. C’est compliqué! »

L’enregistrement a été fait à l’ancienne, sur rubans, par le réputé maître d’oeuvre Howard Bilerman. « J’étais mindée qu’on fa[sse] ça exactement comme à l’époque dans les années [19]20, dans la grande salle du studio hotel2tango. » Le mix s’est fait sur place: « Il y avait juste quelques micros, mais des supers bons micros de l’ancien temps, pis on mixait l’album juste en plaçant les gens dans la pièce. »

Beaucoup de pression sur les épaules de Webber, qui devait non seulement gérer l’orchestre de musiciens, mais chanter en différentes langues sans droit à l’erreur – la voix étant enregistrée en même temps que le reste. Pour réussir à chanter en presque continu pendant toute la durée de l’enregistrement, elle a eu recours à un truc aussi efficace que douloureux: le poivre de cayenne dilué. « C’est un truc que j’ai appris: le poivre de cayenne, ça rapetisse les cordes vocales et ça donne que tu n’as pas la voix rude, même si tu chantes pendant des heures au complet, des jours au complet. Faque là j’ai calé, j’ai calé plein de pots Mason, plein de poivre de cayenne mélangé avec de l’eau, et oh mon dieu que j’ai eu mal au ventre la semaine d’après là! Épouvantable! Mais ça sonnait pas à peu près! » ajoute-t-elle, visiblement très satisfaite du résultat.

Rester fidèle aux styles musicaux des chansons empruntées a amené son lot de défis. D’abord au niveau vocal, puisque certaines pièces sont traditionnellement chantées par des hommes, forçant Webber à pousser son registre vers le bas, d’autres dans des modes très hauts. Les pièces ont également sorti les musiciens de leur zone de confort, la plupart étant issus de la scène punk. « C’est tellement différent de ce qu’on fait dans la musique de l’Ouest, qu’on fait quatre accords et pis that’s it. » raconte Webber. « Les rythmes des chansons grecques ou turques, c’est pas quelque chose que tu peux compter, c’est quelque chose que tu feeles, c’est tellement différent! C’est toute une expérience d’apprentissage. »

À propos de l’étiquette musique du monde forcément apposée à la musique de la bande, Webber met en garde les oreilles rébarbatives: « Oui la musique du monde, d’habitude, ça pue le patchouli! Mais ces chansons-là, c’est plus une histoire de whisky et cigares. » Elle ajoute: « Les paroles, c’est les paroles les plus trash que j’ai jamais entendues! C’est pas granole pour deux cennes! » Les traductions en anglais et en français sont d’ailleurs disponibles dans le livret de l’album qui paraît aujourd’hui sur étiquette Sainte Cécile.

Crédit photo: Jessica Danielle Cohen

Orkestar Kriminal
tumblr | soundcloud | facebook

Lancement de Tummel
Ce soir au Divan Orange (4234 St-Laurent, Montréal), 22h | événement facebook
Disponible sur étiquette Sainte Cécile

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