Close
Quartiers d’hiver | se réconcilier avec janvier

Quartiers d’hiver | se réconcilier avec janvier

Alors, comment c’était ce premier Festival de musique émergente (FME pour les intimes) en mode hiver? Disons qu’il a comporté assez de moments magiques et surréels pour nous donner très hâte au prochain, et ce, en dépit du froid coriace. Il faut dire que d’enfiler les pelures et de braver l’extérieur donne un indéniable sentiment de courage et rend l’expérience encore plus spéciale.

Plus court que son grand frère, le joliment nommé Quartiers d’hiver a attiré moins de Montréalais, eux qui envahissent chaque année Rouyn-Noranda une fois la dernière fin de semaine d’août venue. Un festival plus intime, mais surtout centré sur les Abitibiens, au grand bonheur de Benoit Poirier de Jesuslesfilles qui a pris le micro à la toute fin du festival pour le faire remarquer. La programmation, bouclée en peu de temps, était néanmoins solide. Moins de salles, donc moins de choix déchirants et moins de déplacements: une bonne chose, finalement.

Les organisateurs avaient mis la table pour que les festivaliers puissent profiter de l’extérieur: bars de glace devant les différentes salles de spectacles, bûches de bouleaux pour s’asseoir et feux de bois, tout y était pour rendre le passage à l’extérieur agréable. Le mercure qui n’arrêtait pas de baisser a toutefois fait en sorte que ceux qui ont su en profiter ont été peu nombreux, alors que les bénévoles en place se sont mérités ma plus grande admiration.

Alors que certains ont profité de la journée du samedi pour faire du traîneau à chiens, encore une belle initiative de l’équipe du festival, Baron s’est plutôt joint à quelques chanceux pour un après-midi de pêche sur glace sur le lac Kanasuta, après une petite balade en motoneige. Sous un soleil radieux et un décor magnifique, l’accueil était tel que même les poissons mordaient, voulant sans aucun doute se joindre à nous. Un après-midi mémorable, un de ceux qu’on garde dans sa poche arrière pour longtemps et dont le FME garde précieusement la recette année après année.

La soirée de jeudi a débuté avec un vernissage quadruple à L’Écart… lieu d’art actuel. Trois artistes se partagent la galerie pour le prochain mois: Pascal Caputo, artiste montréalais, avec ses toiles et son installation After #us, Vanessa Suzanne, une Belge installée depuis deux ans au Témiscamingue qui présente l’installation MATIÈRE NOIRE/ÉNERGIE SOMBRE, et Édith Laperrière qui présentait une série de sérigraphies, Rester. Les artistes ont présenté brièvement leurs oeuvres au public venu nombreux. Le projet Strangers with Patrick Watson, de Félix & Paul, était de passage pour les Quartiers d’hiver. Utilisant le dispositif Oculus Rift, un casque vidéo qui permet de visionner le projet non seulement en 3D, mais en 360°, le résultat est une rencontre immersive et intimiste avec Patrick Watson dans son studio, pratiquement comme si on était avec lui.

Alors que la neige qui tombait à gros flocons à notre arrivée s’était transformée en blizzard, quel bonheur de se retrouver dans l’antre de l’Agora des arts pour une rencontre avec trois formations. La première, Emilie & Ogden, une harpiste dont les intonations vocales faisaient parfois agréablement penser à Feist, accompagnée par sa harpe Ogden, le guitariste/bassiste Jessie Mac Cormack et le batteur Francis Ledoux. Les pièces, oscillant entre douceur et effluves plus sales, avaient de quoi happer le public. Suivait Caroline Keating, seule au milieu de la scène avec son piano droit. La jeune femme a offert une présence plus que sympathique, accumulant les anecdotes entre ses chansons où ses doigts volaient sur les touches à une vitesse effrénée. Un long crescendo qui avait de quoi plaire. Pour finir la soirée, Groenland a enflammé la foule nombreuse qui ne demandait qu’à l’être. Une prestation joyeuse et solide du sextuor qui s’apprête à composer son attendu deuxième album.

Le lendemain, après la pêche sur glace en compagnie desdits Groenland, nous avons débuté la soirée avec Technical Kidman qui avait la difficile tâche de réchauffer la foule clairsemée du Paramount en formule cabaret. Les trois garçons ont balancé leur électronique sauvage avec leur fougue habituelle, le chanteur Mathieu Arsenault allant même jusqu’à escalader une barrière pour se rapprocher du public qu’il aime avoir près de lui. Une performance revigorante.

Après une pause ravitaillement au fameux restaurant Morasse, Monogrenade nous attendait avec ses mélodies enveloppantes. Un Jean-Michel Pigeon en grande forme, un quatuor à cordes en feu et des musiciens chevronnés ont su livrer les mélodies tantôt un brin angoissantes, tantôt dansantes, pour un spectacle des plus réussis.

Fire/Works avait discrètement fait le chemin dans la journée pour nous livrer le premier concert surprise du festival. Dans une atmosphère bleutée, presque polaire, devant une foule nombreuse mais peu attentive, le quatuor a interprété les pièces de son très bel album Shenanigans. Pour peu qu’on réussissait à se concentrer suffisamment pour faire abstraction du bruit ambiant, les pièces avaient de quoi nous transporter ailleurs. Un univers à (re)découvrir.

Pour finir la portion musicale de la soirée, quoi de mieux que la chaleur des pièces de Pierre Kwenders, artiste montréalais d’origine congolaise qui a ensorcelé le Diable Rond de ses rythmes contagieux. Les couches de vêtements étaient tout à coup beaucoup moins abondantes. Un de mes coups de coeur du festival.

Le lendemain après-midi, direction Agora des arts pour une fiesta familiale signée Boogat. Se produisant devant une foule de touts-petits massés devant la scène et leurs parents, le Montréalais habitué de collaborer avec Ghislain Poirier, Radio Radio et consorts s’est fait beaucoup de nouveaux fans. Un spectacle un peu surréel, mais oh combien réjouissant, où Boogat a expliqué à son jeune public où se situe le Mexique (« Dans une maison, le Mexique c’est comme le premier étage, et le Canada c’est le troisième étage »), la raison pour laquelle il porte une moustache, et où il leur a permis de crier aussi fort qu’ils le souhaitaient (« Mais quand je dis c’est fini, c’est fini pour vrai! »). Quoi de mieux après le spectacle que d’aller partager quelques guimauves avec ses nouveaux amis? Rien, je pense bien.

Mais pour en avoir le coeur net, Boogat a tenté au cours de la journée d’autres expériences flirtant avec l’absurde. Livrer le seul concert extérieur de tout le festival alors que la température ressentie frise le -30°? Bien sûr. Faire une chanson sur un camion-remorque partageant la glace avec une zamboni lors du match de hockey junior majeur opposant les Huskies de Rouyn-Noranda et les Foreurs de Val-d’Or? Pourquoi pas. Définitivement mon héros de la fin de semaine.

Nous avons ensuite été assister au spectacle de Carl-Éric Hudon en formule quatuor qui ouvrait le bal à l’Agora des arts, puis à une partie de la prestation de Julien Sagot, qui avait ce soir-là la dégaine d’un scientifique un peu fou et qui présentait les chansons de son plus récent album solo Valse 333. Bien emballés de toutes les couches possibles, nous nous sommes ensuite dirigés vers le Paramount où Chocolat balançait avec moult décibels ses brûlots rock. Elephant Stone a complété la programmation avec son rock un peu stoner, entrecoupé de cithare qui bien qu’impressionnante à voir (et probablement peu habituée de vivre l’hiver abitibien), s’arrimait parfois mal aux mélodies de la bande. Un bon spectacle malgré tout.

Après un énième ravitaillement morassien et son autoproclamée meilleure poutine au monde, nous étions prêts pour la dernière leçon de rock avec The Muscadettes en grande forme et Jesuslesfilles qui, égaux à eux-mêmes, se sont montrés divertissants et plus qu’entraînants. Malgré son aversion pour les rappels, la bande en a tout de même fait un pour le public enthousiaste (à l’exception d’Azure, alors introuvable, assumant jusqu’au bout sa posture anti-rappel).

Il restait la nuit électro pour les courageux. Pour nous, les Quartiers d’hiver venaient de prendre fin. Une fin de semaine mémorable, qui on l’espère, nous reviendra l’année prochaine.

Crédits photo: Maryse Boyce

Close
0